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La restructuration de la filière nucléaire française booste les projets d’EPR à l’international

Suite à l’accord signé en Inde avec le groupe Nuclear Power Corporation of India Limited (NPCIL), le 10 mars dernier lors de la visite officielle d’Emmanuel Macron et de Jean-Bernard Lévy, PDG d’EDF, EDF a officiellement remis, le 14 décembre 2018, une offre commerciale pour la construction de six réacteurs EPR sur le site de Jaitapur, à l’ouest de l’Inde. Voilà de quoi confirmer le renouveau de la filière nucléaire française, qui multiplie les chantiers à l’étranger.

Plus grand projet nucléaire mondial, le site de Jaitapur serait susceptible d’alimenter jusqu’à 14 millions de foyers indiens en électricité. Il s’inscrit dans le cadre de la restructuration de la filière nucléaire française à l’œuvre depuis 2015.

Cette vaste opération s’est traduite par la dissolution d’Areva, qui s’est recentré sur le cycle du combustible nucléaire via sa nouvelle identité baptisée Orano. La partie conception et fourniture de réacteurs a quant à elle été reprise par EDF à travers deux nouvelles filiales, Edvance et Framatome, dont le capital est détenu respectivement à 80% et 75,5% par EDF).

Le but de cette réorganisation est de disposer de toutes les compétences nécessaires en ingénierie pour améliorer la performance du parc français mais aussi pour développer de nouveaux projets nucléaires optimisés et plus compétitifs.

Alors que le programme industriel Grand Carénage se profile en France et que les États du monde entier s’emparent de la question de la transition énergétique et du changement climatique, la production d’une électricité décarbonée, compétitive et flexible à grande échelle se révèle particulièrement opportune. D’autant plus pour les pays en forte croissance comme l’Inde, où les 22 réacteurs déjà en exploitation ne suffiront pas à pourvoir à une demande croissante en énergie.

L’intérêt de la signature de l’accord-cadre entre la France, l’Inde, EDF et la NPCIL réside aussi dans l’engagement de l’électricien français à accompagner son homologue indien à s’approprier les installations dans l’esprit des politiques « Make in India » et « Skill in India » pour l’amélioration des compétences locales.

L’ingénierie et l’achat des composants sera ainsi intégralement pilotée par EDF pour les deux premiers réacteurs, puis partagée avec des entreprises locales pour les quatre autres. En cas d’acceptation de l’offre française courant 2019, le chantier pourrait débuter en 2023 pour une puissance totale de 10 GW.

L’EPR, une technologie de pointe

La technologie EPR développée par la filière française et ses partenaires allemands depuis les années 90 constitue à ce titre un atout de taille.

D’une puissance installée de 1650 MW pour une durée d’exploitation d’au moins 60 ans, ces réacteurs de troisième génération affichent un niveau de sûreté maximal, grâce notamment aux quatre systèmes de sauvegarde indépendants qui permettent chacun d’assurer l’ensemble des fonctions de sûreté du réacteur, au récupérateur de corium capable de contenir et refroidir le cœur du réacteur en cas d’accident et à la coque en béton armé qui constitue une protection supplémentaire en cas d’agressions externes.

L’EPR intègre également tous les progrès récents pour atteindre des performances environnementales et économiques supérieures aux anciens modèles. Leurs turbines consomment en effet 17 % d’uranium en moins que les réacteurs de 1300 MW et émettent également 30 % de déchets radioactifs en moins. Réacteur le plus puissant au monde, il offre un rendement supérieur aux réacteurs français les plus récents.

Ainsi, son taux de disponibilité peut atteindre 91 % grâce à une réduction de près de moitié des périodes d’arrêt pour rechargement du combustible.

Autant d’arguments qui donnent à l’offre française une longueur d’avance et lui offrent de nouvelles perspectives alléchantes de développement à l’international.

Le projet de construction de six EPR à Jaitapur en est la preuve. « Cette nouvelle étape […] prouve notre capacité à nous mettre en ordre de marche pour poursuivre notre développement à l’international, se réjouit Xavier Ursat, directeur exécutif d’EDF en charge de l’ingénierie et du nouveau nucléaire. Sous la conduite d’EDF, l’ensemble de la filière a ainsi œuvré pour remettre une offre solide, fondée sur une approche industrielle de long terme autour d’une technologie d’avenir : l’EPR. »

Outil du virage énergétique indien et chinois

Déjà présent en Inde depuis 20 ans à travers ses activités d’énergies renouvelables (370 MW) ou encore de smart city (75 000 compteurs intelligents installés à New Delhi), le groupe français voit dans le marché indien un fort potentiel de développement.

Outre son importante croissance démographique, le deuxième pays le plus peuplé au monde compte encore 200 à 300 millions d’habitants privés d’électricité. Son premier ministre, Narendra Modi, s’est engagé à porter la part des énergies non-fossiles dans la production d’électricité à 40 % d’ici 2030 grâce à l’essor des énergies décarbonées (solaire, éolien et nucléaire).

Il considère l’atome comme une des voies à privilégier en complément des énergies vertes pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, et ambitionne de porter la puissance nucléaire installée à 63 GW d’ici 2032, contre 7 GW aujourd’hui.

D’ici là, les dirigeants indiens observeront probablement avec intérêt les premiers mois d’activité du premier EPR mis en service à Taishan, au sud de la Chine, dont l’exploitation commerciale a d’ailleurs débuté le 14 décembre 2018, soit le même jour que le dépôt de l’offre française pour Jaitapur.

D’une capacité de 1750 MW chacun, un niveau de puissance inégalé dans le monde, les deux réacteurs sont le fruit de la collaboration entre EDF et le groupe CGN (China General Nuclear Power Corporation) depuis 35 ans. Ils permettront d’alimenter 5 millions de personnes en électricité, tout en évitant l’émission de 21 millions de tonnes de CO2 par an.

Comme en Inde, la construction des EPR de Taishan répond à la volonté de la Chine de satisfaire une demande énergétique en hausse, tout en décarbonant son mix électrique, notamment par la diminution de sa consommation de charbon.

Avec 18 réacteurs actuellement en construction, le parc nucléaire chinois devrait en compter 57 à terme, soit un de moins que la France. La mise en service de Taishan 1 et 2 ouvre la voie aux prochaines réalisations d’EDF dans le monde. À Hinkley Point, au sud-ouest de l’Angleterre, la construction de deux EPR a d’ailleurs commencé en 2017.

commentaires

COMMENTAIRES

  • Euh… êtes vous sûrs que la turbine des EPR consomme de l’uranium ?
    Sinon article sympa : si EDF emporte le marché, on va voir son action bondir en flèche et les politiques abandonner peu à peu la religion des énergies dites Vertes, mais surtout à production aléatoire (vent, soleil). Espérons-le car cela devrait stopper l’hémorragie des subventions à ces énergies, qui atteignent 121 milliards à l’heure actuelle : oui, 12 fois plus que ce qui a été accordé aux Gilets Jaunes !! Et qui profite aux industriels des énergies renouvelables, au rendement garanti.

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  • Tout a à fait d’accord Il faut parler et publier ce que l’on pense sur ce sujet de moins en moins tabou
    Les écolos romantiques ont constamment confondu énergie verte et énergie renouvelables sans parler des énergies décarbonées, il est temps de faire des mises au point et de cesser d’agiter un drapeau rouge dès que le nucléaire est abordé.
    le combat pour lutter contre le réchauffement climatique doit faire l’économie des postures relieuses et dogmatique et plutôt regarder les chiffres les échéances et les vrais dangers.

    Répondre
  • Sur la Chine pour info article du MIT Technology Review : « Le virage vers les énergies renouvelables et l’abandon de l’énergie nucléaire pourraient constituer une stratégie commerciale judicieuse pour les entreprises nucléaires chinoises »

    La Chine n’a pas commencé à construire une nouvelle centrale nucléaire depuis la fin de 2016, selon un récent rapport de situation de l’industrie nucléaire mondiale.

    La technologie est sous surveillance. Des experts dont certains ont des liens avec le gouvernement voient le secteur nucléaire chinois succomber aux mêmes problèmes qui affectent l’Occident : la technologie est trop chère, et le public n’en veut pas.

    Un sondage gouvernemental réalisé en août 2017 a révélé que seulement 40 % de la population appuyait le développement de l’énergie nucléaire.

    Le plus gros problème est d’ordre financier. Les réacteurs construits avec des dispositifs de sécurité supplémentaires et des systèmes de refroidissement plus robustes pour éviter une catastrophe de type Fukushima sont coûteux, tandis que les prix de l’énergie éolienne et solaire continuent de chuter : ils sont désormais 20% moins chers que l’électricité produite par les nouvelles centrales nucléaires en Chine, selon Bloomberg New Energy Finance. De plus, les coûts de construction élevés font du nucléaire un investissement risqué.

    L’époque où l’énergie nucléaire était désespérément nécessaire pour répondre à la demande croissante d’électricité de la Chine est révolue. Au début des années 2000, la consommation d’électricité augmentait de plus de 10 % par an, alors que l’économie était en plein essor et que le secteur manufacturier, un gros consommateur d’électricité, connaissait une croissance rapide. Au cours des dernières années, alors que la croissance a ralenti et que l’économie s’est diversifiée, la demande d’électricité a augmenté, en moyenne, de moins de 4 %.

    Le désenchantement de la Chine à l’égard de l’énergie nucléaire correspond à un déclin général de la production nucléaire ailleurs dans le monde. Les services publics retirent des usines existantes et ont cessé d’en construire de nouvelles.

    Si un événement comme celui de Fukushima se produisait en Chine l’impact serait très, très important « , déclare William Overholt, expert en Chine à la Kennedy School of Government de l’Université Harvard. « Cela délégitimiserait le régime. »

    En 2013, plus d’un millier de personnes se sont rassemblées à Jiangmen, à l’Est de Hong Kong, pour dénoncer un projet d’usine d’uranium combustible. En quelques jours le projet géré par l’État a été abandonné. En 2016 les autorités locales ont suspendu les travaux préliminaires sur un site à Lianyungangang, dans le Nord-Est de la province de Jiangsu, après un tollé provoqué par des révélations selon lesquelles elle pourrait accueillir une usine de recyclage du combustible nucléaire irradié. Dans la foulée de cette protestation, le Conseil d’État chinois a modifié son projet de règlement sur la gestion de l’énergie nucléaire, exigeant des promoteurs qu’ils tiennent des audiences publiques avant d’établir les projets.

    Wenke Han, ancien directeur de l’Institut de recherche sur l’énergie, une branche de la puissante Commission nationale de développement et de réforme qui planifie l’économie chinoise, qualifie l’énergie nucléaire de « très coûteuse. L’énergie nucléaire en Chine a commencé à être confrontée à la concurrence par les prix et sera certainement confrontée à une concurrence accrue à l’avenir ».

    Les centrales nucléaires qui fonctionnent actuellement sont sous-utilisées. En moyenne, elles sont utilisées à 81% de leur capacité de production en 2017, soit 10 % de moins qu’il y a cinq ans, ce qui rend l’électricité qu’elles produisent encore plus chère.

    Des options qui s’amenuisent : Dernièrement, le gouvernement a peu parlé de la politique nucléaire. Son objectif officiel, mis à jour pour la dernière fois en 2016, prévoit l’installation de 58 GW de capacité de production nucléaire d’ici 2020 et la construction de 30 GW supplémentaires. Tous les experts s’accordent à dire que la Chine n’atteindra pas son objectif de 2020 avant 2022 ou plus tard, et les projections pré-Fukushima de 400 GW ou plus d’ici le milieu du siècle semblent maintenant plus qu’optimistes. Han dit qu’il parie qu’une fois que le pays aura construit les 88 GW dans son plan 2020, il passera à d’autres sources d’énergie.

    Les géants du nucléaire chinois se protègent. CGN et la société d’État qui finance les investissements de la Chine dans les AP1000 se classent parmi les dix premiers opérateurs mondiaux d’énergie renouvelable.

    Le virage vers les énergies renouvelables et l’abandon de l’énergie nucléaire pourraient constituer une stratégie commerciale judicieuse pour ces entreprises nucléaires chinoises.

    https://www.technologyreview.com/s/612564/chinas-losing-its-taste-for-nuclear-power-thats-bad-news/

    .

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