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Enrichissement de l’uranium : la France bientôt souveraine ?

Si le nucléaire a réussi, ces dernières années, à jouer sur la corde de la souveraineté et de son bilan carbone nettement favorable pour asseoir son soutien dans l’opinion, l’enjeu de la maîtrise de la chaîne de valeur de l’uranium reste un sujet sensible. Certes, la France dispose déjà d’importantes capacités d’enrichissement, mais le contexte actuel l’a poussé à intensifier ses efforts, pour gagner en indépendance. Prochaine étape : l’expansion du site d’enrichissement d’uranium d’Orano de Tricastin, l’un des fleurons français du secteur.

Gagner en indépendance

43 %. C’est la part d’uranium enrichi utilisée dans le monde, produite par le géant Rosatom. Le groupe russe domine donc largement le marché, devant l’entreprise anglo-germano-néerlandaise Urenco (31%), le groupe chinois CNNC (13%) et le français Orano (12%). Il ressort aussi de ces chiffres que le monde occidental ne représente que 43% de la production mondiale d’uranium enrichi, contre 56% pour la Chine et la Russie. Le pour cent restant est à répartir entre les autres pays utilisant l’énergie nucléaire, à des fins militaires ou civiles (Inde, Pakistan, Corée du Nord, Iran, …). Toutefois, grâce à son avance, la Russie fait partie des rares pays à disposer d’une maîtrise complète de l’ensemble de la chaîne de valeur (de l’extraction au recyclage, en passant par l’enrichissement), contrairement à la Chine et aux pays occidentaux, ces derniers dépendant de Rosatom à hauteur de 30%. Pour sa part, la France n’importe que très faiblement de l’uranium naturel venu de Russie et préfère se fournir auprès de ses partenaires traditionnels au Niger, au Kazakhstan, en Ouzbékistan et en Australie. A l’heure actuelle, Paris dispose aussi d’une marge de sécurité confortable avec un stock d’uranium enrichi correspondant à deux années de production d’électricité sur l’ensemble du territoire. Mais la filière d’enrichissement, préalable nécessaire à son utilisation dans les centrales nucléaires (notamment pour le recyclage de l’uranium de retraitement), demeure en partie délocalisée en Russie. Une réalité qui pourrait bientôt (définitivement) changer et qui représente pour l’heure une brèche sérieuse dans la souveraineté énergétique française.

Ce déséquilibre, dans le cadre de la guerre en Ukraine et de la relative mise à l’écart de la Russie sur les marchés internationaux, a poussé les Occidentaux à réagir. L’enjeu est d’autant plus stratégique qu’aux Etats-Unis l’enrichissement de l’uranium a été presque totalement abandonné. Cette quête d’indépendance repose donc sur deux entreprises : Orano, avec son projet d’extension de l’usine de Tricastin, et le consortium anglo-germano-néerlandais Urenco, qui n’a pas encore révélé ses plans, mais dont les ambitions sur le marché de l’uranium ne sont pas moindres. Et la guerre en Ukraine pourrait, indirectement, renforcer l’empreinte internationale des deux géants européens. Les deux entreprises comptent en effet capturer les parts de marché laissées vacantes par Rosatom, le groupe russe faisant l’objet de sanctions et pressions internationales croissantes. Les Etats-Unis notamment, qui importaient 28% d’uranium russe en 2021, ont décidé via le Russian Suspension Act, de réduire ces importations à 15% d’ici à 2030. Et un autre texte fixant un objectif de 0 % d’importation russe d’ici 2025 devrait même voir le jour. Un vide laissé par le géant russe, dans lequel Orano compte bien s‘engouffrer. « A ce stade, nos discussions avec les clients américains sont les plus avancées », assure un responsable du géant français.

Récupérer des parts de marché

Le projet d’extension de Tricastin consiste à reproduire à l’identique la partie de l’usine actuelle où l’uranium est centrifugé, afin d’augmenter sa teneur en U235. Estimée entre 1,3 et 1,7 milliard d’euros, l’expansion a fait l’objet d’une concertation importante dans le cadre de la Commission nationale du débat public organisée du 1er février au 9 avril, où chacun a pu s’exprimer avant qu’une décision n’intervienne. Les discussions sont toujours en cours à l’heure actuelle, mais une décision de lancement sera « idéalement prise dans l’année », prévoit-on chez Orano.

Un projet colossal donc, et très onéreux, mais qui en vaudrait la peine, selon l’énergéticien français. En effet, outre la demande américaine, c’est la moitié des nouveaux besoins occidentaux qu’Orano espère combler. Cette demande globale est estimée entre « 5 à 8 millions d’unités de travail de séparation (UTS) par an », soit l’équivalent de 50 à 90 millions de foyers, et l’extension de l’usine de Tricastin permettrait justement d’augmenter la production annuelle de 3,5 millions d’UTS d’ici 2030. Le tout, avec une électricité bas-carbone, dont les émissions de gaz à effet de serres demeurent peu ou prou comparables à celles des énergies renouvelables.

Toutefois, cette captation du marché n’est pas encore certaine, car bien qu’alliés sur le plan diplomatique, Orano et Urenco n’en demeurent pas moins de farouches concurrents. Et le groupe anglo-germano-néerlandais, qui risque fort de passer leader dans les années à venir, ne compte pas rester sur la touche. De même, le géant chinois CNNC, troisième opérateur du marché, ne doit pas être sous-estimé.

Pression politique pour renforcer la place de l’atome

Ainsi, l’extension du site de Tricastin apparaît, au plus haut niveau de l’État, comme un préalable nécessaire pour que Paris s’émancipe, sur le segment du nucléaire, du géant public russe Rosatom. D’autant que la pression politique se fait de plus en plus forte pour accélérer le renforcement du nucléaire en France, notamment après la publication du rapport parlementaire « visant à établir les raisons de la perte de la souveraineté énergétique de la France », né de six mois de travail et 150 heures d’audition, qui prône un retour en force de l’atome.

commentaires

COMMENTAIRES

    • Rira bien qui rira le dernier ! Et je pense (et ne suis pas le seul !) que les tenants du « tout renouvelable » vont bientôt se tenir les côtes à force de rire !…
      Le rire commence déjà dès que l’on évoque la souveraineté de la France en matière de fabrication (entre autres) de panneaux PV !… non ?

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    • @ Rochain … Toujours à côté de la plaque …
      Malgré tous les commentaires roc haineux, la partie est gagnée pour le nucléaire .
      Les responsables ont enfin compris – sauf Rochain … mais il est irresponsable ! – que sans le nucléaire la production électrique 1650 TWh / an , ne peut être assurée. Il faut savoir choisir les risques : sans électricité l’hôpital ne fonctionne pas . Si Rochain était compétent en énergie, il saurait que les ENR sont insuffisantes . J’attends toujours qu’il me prouve le contraire …

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