« Il faut tripler le rythme des économies d’énergies et du développement de la chaleur et du froid renouvelable »

À la veille de la campagne présidentielle, la Fédération des Services Énergie Environnement (FEDENE) a lancé un mot d’ordre : « Décarbonons nos territoires, vite ! ».

La FEDENE entend prendre part à la mise en œuvre concrète de la transition énergétique en proposant des mesures réparties en trois grands axes : tripler le rythme des économies d’énergies réelles dans les bâtiments et l’industrie, tripler la vitesse de développement des solutions vertueuses de chaleur renouvelable et de froid, et doubler le nombre d’emplois non délocalisables partout dans les territoires à travers la création de ces nouveaux services.

On a voulu en savoir plus avec Pierre de Montlivault, le nouveau président de la FEDENE.

 

Face à l’urgence climatique, décarboner les territoires devient primordial. Quelles sont vos principales propositions pour accélérer la transition énergétique ?

À la FEDENE, et notamment à travers notre vade-mecum « Décarbonons nos territoires, vite ! », nous promouvons des solutions qui garantissent des économies réelles et durables de carbone, en protégeant le pouvoir d’achat des ménages et en renforçant la résilience de notre économie.

Ces solutions permettent d’agir très concrètement sur les deux premiers leviers de la décarbonation, à savoir les économies d’énergie et le développement de la chaleur renouvelable et de récupération. Les objectifs que nous nous sommes fixés ne pourront pas être atteints sans un changement profond de paradigme, qui nécessite de passer d’une logique de moyens à une logique de résultats… garantis !

Nous sommes aujourd’hui dans l’urgence : pour être au rendez-vous en 2030, il faut tripler le rythme des économies d’énergies et du développement de la chaleur et du froid renouvelable et de récupération.

Pour décarboner la chaleur, les territoires peuvent compter sur d’importants gisements d’énergies renouvelables et de récupération partiellement ou sous exploités à ce jour.

La bonne distribution de la chaleur passe par le déploiement d’infrastructures que sont les réseaux de chaleur. En France nous sommes sous-équipés !

Les solutions de chaleur renouvelable sont aujourd’hui celles qui nécessitent le moins d’aide publique rapportée à la tonne de CO2 évitée. Ces projets demeurent néanmoins hautement capitalistiques et nécessitent une montée en puissance du Fonds chaleur de l’ADEME.

Nos propositions peuvent se résumer en cinq puissants leviers.

D’abord mobiliser toutes les sources d’énergie disponibles localement pour verdir les approvisionnements de chaleur. Ensuite développer la production de chaleur renouvelable à partir du bois-énergie, notamment en valorisant davantage le gisement des bois-déchets mobilisable grâce à un meilleur tri et à la relocalisation des flux exportés. Et bien sûr soutenir et développer la valorisation énergétique des déchets.

La France dispose d’un potentiel supplémentaire de 8 TWh d’énergie issue de l’incinération pour soutenir le développement de réseaux de chaleur ou de froid urbains. S’y ajoutent 5 TWh potentiels de chaufferies utilisant des combustibles solides de récupération (CSR).

Ensuite, il faut valoriser les gisements de chaleur fatale. Le nombre de projets de récupération de chaleur fatale qui se développent en France n’est pas à la hauteur du potentiel d’énergie de récupération (près de 15 TWh de chaleur fatale ont été identifiés à proximité de consommateurs de chaleur). Pour exploiter pleinement ce gisement, la FEDENE préconise la mise en place d’un fonds de garantie destiné à protéger les acteurs des risques éventuels de disparition de la source d’émission de chaleur (fermeture d’usine, changement de process…).

Il faut également créer plus de 1 300 nouveaux réseaux de distribution de chaleur d’ici 2030 et densifier les 800 réseaux existants

Les objectifs de livraison de chaleur renouvelable et de récupération prévus par la Loi à horizon 2030 sont clairement atteignables. Une étude des gisements de chaleur à décarboner, ville par ville, conclut qu’il est possible de créer 1 300 nouveaux réseaux et de verdir et agrandir les 833 réseaux existants. En agissant dans un peu plus de 20 villes par département, on y arrive !

Ce faisant, on évitera chaque année 5 millions de tonnes de gaz à effet de serre, l’importation pour un milliard d’euros d’énergies fossiles. Tous cela avec un coût public imbattable de 37 € par tonne de CO2 évitée.

Développer des solutions collectives de froid pour répondre aux enjeux du changement climatique est un autre levier. En France, les besoins de froid sont estimés à 19 TWh. Le développement de solutions collectives de froid répond à un impératif sanitaire majeur dans le contexte du changement climatique et d’accroissement des épisodes caniculaires.

Enfin, nous préconisons de renforcer les moyens de l’ADEME. Salué par la Cour des Comptes, le Fonds chaleur est indispensable pour accélérer la transition écologique et renforcer l’attractivité des territoires. Pour aller trois fois plus vite, son budget annuel doit impérativement être porté à 1 milliard € par an.

Comment faire passer le rythme annuel d’économies d’énergie de 0,7% à 2,1% par an tous secteurs confondus, comme vous le préconisez ?

Pour atteindre les objectifs européens de décarbonation en 2030, c’est effectivement le défi. La priorité d’ici 2030 est aux économies d’énergie dans les bâtiments existants et l’industrie. Des moyens financiers conséquents ont été alloués aux actions de rénovation. Cependant, comme l’a récemment souligné l’ADEME, la nature de ces aides et leur efficacité ne permettent pas d’obtenir les économies escomptées.

Nous formulons trois propositions majeures.

En premier lieu, se concentrer sur les économies d’énergie les plus efficaces en matière de performance environnementale. Pour s’inscrire dans une telle dynamique, la FEDENE soutient une refonte du mécanisme des certificats d’économie d’énergie (CEE) qui doit être davantage orienté vers des bouquets de solutions avec engagement de performance ambitieux. Jusque là le dispositif des CEE a financé essentiellement des travaux « mono-geste », sans approche globale ni garantie d’économie d’énergie.

Chaque rénovation globale doit être davantage soutenue et être accompagnée d’une garantie de performance. Dans l’industrie, le rétablissement d’un soutien des CEE au contrat de performance énergétique (CPE) est indispensable.

Ensuite, il faut placer les garanties de performance au cœur de la politique immobilière. Il est nécessaire que les actions de réduction des consommations énergétiques soient mesurables et mesurées sur leur efficacité réelle, avec une garantie de performance dans la durée. La FEDENE propose de lancer un contrat simplifié pour généraliser leur déploiement et les opérations de rénovation autoportantes financièrement.

Enfin, il faut soutenir une accélération des projets de performance énergétique et environnementale des bâtiments, en créant un fonds d’amorçage temporaire et dégressif destiné au segment tertiaire public, pour encourager les collectivités pionnières dans l’application du décret Eco Tertiaire ; en lançant des appels à projets pour accélérer l’émergence de contrats de performance énergétique et environnementale ; et en élargissant les obligations de maintenance annuelle aux pompes à chaleur et aux équipements de climatisation et de ventilation.

Quels sont les objectifs, selon vous, que la prochaine PPE, qui doit être actée en 2023, doit clairement afficher ?

Nous avons démontré la capacité de la filière à verdir les réseaux existants et créer de nouveaux réseaux. Si on met les moyens, on tiendra les objectifs de 2030, et on pourra continuer sur le même rythme au-delà !

En 2033, on pourra livrer 48,5 TWh de chaleur issue d’énergies renouvelables et de récupération (EnR&R) : tel est l’objectif que la PPE 2023 doit afficher.

Le premier poste de consommation énergétique en France est la chaleur : encore fortement fossile, celle-ci représente près de la moitié des consommations d’énergie, utilisées principalement par les secteurs résidentiels et tertiaires. La RE2020 n’apporte-telle pas déjà des réponses à la décarbonation du secteur ?

En 2020, la consommation de chaleur en France (655 TWh) représentait près de la moitié de notre consommation énergétique, soit effectivement le premier usage énergétique en France. La chaleur représente un véritable enjeu en matière de réduction de gaz à effet de serre car le mix primaire de la chaleur consommée demeure fortement carboné, à près de 80%.

La RE2020 apporte des réponses à la décarbonation du secteur, en y intégrant une composante carbone qui constitue le principal enjeu de notre transition. Les premières versions de textes nous inquiétaient car n’avaient pas pris suffisamment en compte les réseaux de chaleur, mais grâce à un travail intense avec l’administration, ce n’est plus le cas aujourd’hui.

commentaires

COMMENTAIRES

  • Exactement : oui aux économies d’énergie renouvelables, non au « produire toujours plus ».

    Répondre
  • On utilise toujours pas le potentiel des marées, les différences de potentiels
    ,et les divers moyens de stockage d’Energie disponibles.

    Il est difficile des croire à la bonne foi des acteurs quand aucune de ces solutions techniques
    pourtant disponibles ne sont mises en œuvre.

    Il n’y a aucune recherche d’efficacité ou d’économie pratique décelables.
    Les investissement sont là, mais ils sont toujours concentrés sur une forme de rentabilité, et non sur l’efficacité.

    Quand à la « performance », c’est jute bon pour la R&D ( pour la bourse)
    il y a des méthodes peu effienctes mais qui ne génèrent pas de carbone.
    On est dns une recherche de performances (de gains boursiers potentiels), pas d’efficacité.

    Personne ne va s’arracher une action d’entreprise qui se propose de stocker mécaniquement de l’Energie, et pourtant…
    Et même en général, le stockage d’energie n’interesse personne, alors que ç »est là la clé, de l energie il y en a partout..mais comment la stocker?

    Répondre
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