La COP26 de Glasgow est-elle vouée à l’échec ?

Eclairage signé Louis Boisgibault PhD, Expert énergie, climat & gouvernance, Associé Time for the Planet, Enseignant à HEC Paris, auteur de « Transition énergétique dans les métropoles, la ruralité et le désert » (ISTE Editions 2019).

La COP26, la 26e Conférence des parties à la Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques de 1992, démarre cette semaine à Glasgow. Elle se déroule du 31 octobre au 12 novembre 2021, après avoir été reportée d’un an en raison de la crise sanitaire COVID19.

Comme à chaque édition, les représentants des 197 signataires (196 États et l’Union Européenne) mais aussi de régions, de villes, d’entreprises, d’ONG participent à ces deux semaines de manière directe ou indirecte.

Déjà, le Secrétaire général des Nations unis, Antonio Guterres a indiqué en préalable sa profonde inquiétude et affirmé « C’est sans aucun doute un aller simple vers le désastre ».

L’objectif de Glasgow est de faire le point sur les derniers rapports concernant l’état du climat et sur l’application de l’accord de Paris (COP21, 2015), de renforcer les engagements et de mobiliser la finance verte en faveur du plan d’actions.

De la COP21 à la COP26, la mobilisation est-elle suffisante ?

En 2016, la France et l’Union européenne ont ratifié l’accord de Paris sur le climat (COP21) qui est entré en vigueur le 4 novembre 2016. Il a, depuis, été ratifié par 192 pays, la Turquie étant le dernier pays à l’avoir fait en 2021.

En décembre 2018, le paquet climat adopté lors de la COP24 de Katowice, en Pologne, a mis en place des règles, procédures et orientations communes et détaillées pour mettre en oeuvre l’Accord de Paris sur le climat.

En décembre 2020, l’Union Européenne a révisé et renforcé sa Contribution déterminée au niveau européen (CDN), qui passe à au moins 55 % de réduction des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030 par rapport à 1990. Elle s’est aussi engagée à la neutralité carbone à 2050 dès 2019, c’est à dire à l’équilibre entre les émissions de dioxyde de carbone (CO2) et l’absorption du CO2 de l’atmosphère par les puits de carbone.

Le GIEC a entamé son 6e cycle d’évaluation et a publié trois rapports spéciaux. Le premier en octobre 2018 sur les conséquences d’un réchauffement planétaire de 1,5 °C par rapport aux niveaux préindustriels. Le second en août 2019 sur les liens entre changement climatique, désertification, dégradation des sols, gestion durable des terres, sécurité alimentaire et flux de gaz à effet de serre dans les écosystèmes terrestres.

Le troisième en septembre 2019 sur les liens entre changement climatique, océans et cryosphère. La contribution du groupe de travail 1 au 6ème Rapport est la dernière publication d’août 2021 du GIEC et précède les contributions attendues des groupes de travail 2 et 3 et le rapport de synthèse pour septembre 2022.

  • Parallèlement, le World Energy Outlook (WEO) 2021 de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), rattachée à l’Organisation de Coopération et de Développement Économique (OCDE), a publié ce mois-ci une édition spéciale sur les scenarios énergétiques prospectifs du monde, avec leurs conséquences sur le climat.

Ces deux derniers rapports du GIEC et de l’AIE sont des données scientifiques historiques et prospectives déterminantes pour que la COP26 puisse faire un point d’étape sur les trajectoires aux horizons 2050 et 2100, évalue si la mobilisation et les engagements sont suffisants face aux risques climatiques et cela ne semble pas le cas.

Les rapports sont toujours plus alarmants

Le groupe de travail 1 explique que la planète n’est pas sur la bonne trajectoire. Il sonne une alerte supplémentaire en illustrant son propos par 10 graphiques, répartis en 4 chapitres, dont les intitulés sont suffisamment clairs pour être compris ainsi :

1- Etat actuel du climat :

  • L’influence humaine a réchauffé le climat à un rythme sans précédent depuis au moins 2000 ans.
  • Le réchauffement observé est dû aux émissions provenant des activités humaines, le réchauffement des gaz à effet de serre étant en partie masqué par le refroidissement des aérosols.
  • Le changement climatique affecte déjà toutes les régions habitées du monde, l’influence humaine contribuant à de nombreux changements observés dans les extrêmes météorologiques et climatiques.

2- Futurs possibles :

  • Les émissions futures provoquent un réchauffement supplémentaire futur, le réchauffement total étant dominé par les émissions de CO? passées et futures.
  • Avec chaque incrément de réchauffement climatique, les changements deviennent plus importants dans la température moyenne régionale, les précipitations et l’humidité du sol.
  • Les changements projetés dans les extrêmes sont plus importants en fréquence et en intensité avec chaque augmentation supplémentaire du réchauffement climatique.
  • La proportion d’émissions de CO? absorbée par les puits de carbone terrestres et océaniques est plus faible dans les scénarios avec des émissions cumulées de CO? plus élevées.
  • Les activités humaines affectent toutes les composantes majeures du système climatique, certaines réagissant sur des décennies et d’autres sur des siècles.

3- Impact et adaptations régionales :

  • De multiples facteurs d’impact climatique devraient changer dans toutes les régions du monde.

4- Limiter le changement climatique :

  • Chaque tonne d’émissions de CO? contribue au réchauffement climatique.

 

Le groupe de travail 1 estime, qu’à moins de réductions « immédiates,
rapides et massives » des émissions de gaz à effet de serre, la limitation du réchauffement aux alentours de 1,5 °C, ou même à 2 °C, sera hors de portée.

Le WEO 2021 montre le paradoxe d’une industrie énergétique qui évolue rapidement vers les énergies renouvelables (hydraulique, solaire, éolien…) et le véhicule électrique mais dont le poids des hydrocarbures et la rigidité des infrastructures sont tels que la trajectoire est difficile à infléchir autrement qu’à la marge sur le court terme, avec un scénario normatif qui est celui de la neutralité carbone (zéro émission nette) en 2050.

Les pressions sur le système énergétique vont être très importantes dans les décennies à venir. La demande de pétrole, pour la première fois, connaît un déclin éventuel dans tous les scénarios examinés, bien que le moment et la vitesse de la chute varient considérablement.

Des solutions sont disponibles pour combler l’écart qui s’accélère mais les efforts et investissements doivent être considérables pour respecter le scénario zéro émission nette 2050.

4 000 milliards de dollars d’ici 2030 sont estimés pour développer les énergies renouvelables, l’efficacité énergétique, les infrastructures et 4 mesures clés sont proposées.

La finance devient ainsi le chaînon déterminant pour accélérer la lutte contre le changement climatique. Le WEO 2021 estime que l’augmentation de la température globale moyenne atteindrait 1,5° Celsius dès 2030 (au lieu de 2100) et 2.6 °C en 2100.

Les risques sont liés à une hausse accentuée de cette température globale moyenne, à une augmentation des émissions de gaz à effet de serre post-Covid renforcée par la croissance démographique, à des records répétitifs de la concentration de CO2 dans l’atmosphère. Les imbrications des causes et des conséquences dramatiques qui en découlent sont bien vulgarisées et expliquées par les ateliers de la Fresque du Climat. Pour inverser la tendance négative actuelle, il faudrait diviser par deux les émissions mondiales de gaz à effet de serre au cours des dix années à venir.

La COP26 est donc décisive face à ces constats alarmants mais ses détracteurs pensent que c’est une nouvelle étape inutile d’un processus très lourd et coûteux de négociations climatiques où la communication l’emporterait sur l’action efficace.

La COP25 de Madrid serait déjà oubliée car aucune avancée sensible n’y aurait été notée. Le sentiment de surplace de l’édition précédente a accentué leur colère du « tout ça pour ça ! ».

La COP26 peut-elle redonner un espoir ?

Le président britannique de la COP26, Alok Sharma, est déjà pessimiste avant l’ouverture de la conférence en affirmant qu’il est aujourd’hui « définitivement plus difficile » de mettre les 197 parties d’accord. 4 axes semblent prioritaires à Glasgow :

  • Les 197 parties doivent annoncer leur nouvelle ambition climatique, mettre à jour les contributions déterminées au niveau national (CDN) et publier leur stratégie de long terme à horizon 2050.
  • L’article 6 de l’accord de Paris doit devenir opérationnel. Il prévoit des mécanismes autorisant les parties à échanger des réductions d’émissions afin d’atteindre leur CDN. Une décision est attendue sur ce sujet.
  • Le fonds vert pour le climat doit être abondé, avec une gouvernance irréprochable. Les pays développés se sont engagés à mobiliser 100 milliards de dollars en faveur des pays en développement pour chaque année de 2020 à 2025.
  • L’accord de Paris encourage les États à coopérer avec les entreprises, les ONG et tous les acteurs non-étatiques au sein d’un « agenda de l’action ». Les initiatives par grands secteurs d’activité, favorisant les partenariats publics-privés, doivent accélérer.

Le contexte géopolitique a évolué et la crise sanitaire a fragilisé les économies, ce qui peut entraver la réponse unanime souhaitée aux défis. Est-ce que cette grand-messe en présentiel à Glasgow, à l’instar des précédentes conférences, est indispensable pour progresser sur les urgences climatiques? A t’on, par exemple, un processus équivalent pour lutter contre la pauvreté ?

Les partisans estiment que l’échéance annuelle des COP met la pression sur les parties prenantes, que ce présentiel facilite les prises de décisions globales, que le retentissement médiatique permet d’associer l’opinion public, de mettre la lumière sur les bons comportements et de dénoncer les mauvais. Les avancées de la COP26 seront très techniques et risquent de décevoir les jeunes et les plus radicaux qui y verront un échec.

Pour conclure et résumer, bienvenue à la COP26 qui est, comme chaque année, la COP de la dernière chance.

 

 

 

 

 

 

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