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Comment « redonner une valeur croissante et équitable au carbone » ?

Dans un entretien au Monde de l’Énergie, Patrick Jolivet, Directeur des études socio-économiques au sein de la Direction Exécutive Prospective et Recherche de l’Ademe, évoque le rapport de l’agence sur le « contrat social de transition ».

Le Monde de l’Énergie —L’Ademe a publié l’année dernière un rapport intitulé Pour un contrat social de transition. Propositions pour une réforme équitable de la valeur du carbone. Quels constats ont présidé à sa rédaction et sur quelles données s’est-il appuyé ?

Patrick JolivetCe rapport est issu d’une série de séminaires organisés par l’ADEME entre fin 2020 et fin 2021, lesquels ont réunis des chercheurs, des membres des administrations et ministères, des parlementaires, des think tank et divers représentants de la société civile. Ce séminaire est né des débats suscités par le gel de la trajectoire de hausse de la contribution climat énergie décidée fin 2018 suite au mouvement des gilets jaunes.

Deux ans plus tard, malgré une période riche de débats et de propositions (Grand débat national, Convention citoyenne pour le climat), la politique publique restait orpheline de mesures alternatives d’envergure venant compenser le gel de la tarification croissante du carbone. Il nous a donc paru utile de relancer la réflexion sur les conditions sociales, économiques, juridiques, politiques qui permettraient de redonner une valeur croissante et équitable au carbone.

Le Monde de l’Énergie —Au regard de ce document, comment la valeur du carbone peut-elle concilier la transition énergétique avec la justice sociale ?

Patrick JolivetTout d’abord, en cessant d’en faire un sujet purement technique – ce qui avait été le cas jusqu’à présent, pour assumer pleinement sa dimension politique. Renchérir le carbone, via des taxes ou des réglementations, ne concerne pas les ménages de façon identique, en fonction de leur lieu d’habitation, de leur accès ou non à des transports en commun, de leur mode de chauffage, de leurs ressources financières et la part de leurs budgets qui reste arbitrable, etc. Idem pour les entreprises, qui n’ont pas toutes les capacités à répercuter des hausses de coûts dans leur prix de vente, en fonction de leur exposition à la concurrence internationale, par exemple.

Augmenter la taxe carbone, ou sortir des niches fiscales défavorables au climat, ne peut donc s’inscrire que dans une politique plus globale visant à concilier enjeux environnementaux, économiques et sociaux. Il y a matière selon l’ADEME à refonder notre contrat social autour des enjeux relatifs à la transition écologique.

Le Monde de l’Énergie —Quels sont les grands principes sur lesquels s’appuie ce « contrat social de transition » que l’Ademe appelle de ses vœux ?

Patrick JolivetNous mettons en avant 4 principes et 10 propositions. Le premier principe est de restaurer la confiance, dans l’action publique en général et la politique climatique en particulier. Par exemple en proposant une programmation des finances publiques compatible avec l’atteinte de nos objectifs climatiques, et en évaluant annuellement et de façon indépendante l’utilisation du « budget climat ».

Le second principe est d’assurer l’équité des mesures prises, en accompagnant les ménages et les entreprises vulnérables, en supprimant progressivement les niches fiscales défavorables au climat.

Le troisième principe vise à garantir l’efficacité économique de la politique publique, en ciblant au mieux les mesures d’accompagnement afin d’éviter des effets d’aubaine, par exemple. Par ailleurs, le « signal prix » cher aux économistes ne peut fonctionner que si des alternatives bas carbone sont accessibles, techniquement et financièrement.

Enfin, le quatrième principe relève de la gouvernance : du fait de la transversalité des enjeux et de leurs implications, il nous semble que nous devrions organiser un débat national sur les différentes options de politiques publiques envisageables pour atteindre la neutralité carbone d’ici le milieu du siècle, impliquant l’ensemble des parties prenantes concernées : Etat, collectivités, partenaires et acteurs sociaux, société civile.

Le Monde de l’Énergie —Parmi les propositions de ce rapport, lesquelles vous semblent les plus urgentes à mettre en œuvre ? Et lesquels auraient l’impact le plus important ?

Patrick JolivetLe plus urgent est probablement… de prendre le temps d’un débat public approfondi. Les deux exemples récents de conventions citoyennes, pour le Climat et sur la fin de vie, ont montré que des citoyens « ordinaires » (au sens de non experts du sujet considéré) pouvaient s’emparer de questions complexes, si on prenait le temps de les informer des enjeux, de leur présenter différentes options sur les choix à effectuer, et qu’ils pouvaient apporter des réponses à ces questions qui n’allaient pas forcément dans le sens de leur opinion initiale. L’exemple de la limitation de vitesse à 110km/h sur autoroute, mesure retenue par la convention citoyenne pour le climat, alors qu’une majorité de ses membres y étaient opposée au départ, est frappante à cet égard.

Mais évitons de mettre en avant une mesure en particulier, c’est d’une politique publique globale et cohérente qu’il s’agit de débattre et d’adopter. Nos travaux ont permis de remettre en cause deux idées reçues qui limitent les politiques climatiques depuis des années : d’une part, l’idée qu’il existerait une écologie punitive (celle des mesures ambitieuses, souvent de nature réglementaire ou fiscale), à laquelle il conviendrait d’opposer « l’écologie positive » (celle de l’information sur les bonnes pratiques à généraliser). D’autre part, l’idée du ras-le-bol fiscal, qui voudrait que l’on ne puisse pas faire évoluer la fiscalité parce que les Français y seraient opposés. Alors même que les niches fiscales défavorables au climat coûtent des milliards d’euros annuels aux finances publiques. Les Français ne sont pas opposés à la fiscalité, ils demandent surtout à ce qu’elle soit transparente et équitable.

commentaires

COMMENTAIRES

  • La valeur du carbone c’est d’être indispensable à la croissance des végétaux, mais malheureusement ils en ont une indigestion et manquent de convives autour de la table.!

    Répondre
  • Limiter la vitesse d’utilisation des véhicules permet de petites diminutions d’émissions de CO2
    Limiter la vitesse maxi des véhicules commercialisés permet de très importantes diminutions d’émissions:
    tout sera moins cher, moins lourd, moins polluant, moins consommant en carburant et en matières premières:
    – moteurs
    – embrayages
    – boîtes de vitesses
    – transmissions
    – roues
    – pneus
    – freins
    – refroidissement
    – échappement
    – trains roulants
    et c’est faisable demain matin:
    dans un premier temps en modifiant le software du limiteur de vitesse
    dans un deuxième temps en réduisant tout ce que j’ai nommé ci dessus.

    Répondre
  • Repris ds le texte :
    « Quels sont les grands principes sur lesquels s’appuie ce « contrat social de transition » que l’Ademe appelle de ses vœux? »
    Quand je vois ADEME je me méfie car cet organisme est infiltré jusqu’à la gauche par les verts manipulateurs !
    Autre morceau choisi repris ds le texte qui démontre l’exercice de manipulation
    « Le plus urgent est probablement… de prendre le temps d’un débat public approfondi. Les deux exemples récents de conventions citoyennes, pour le Climat et sur la fin de vie, ont montré que des citoyens « ordinaires » (au sens de non experts du sujet considéré) pouvaient s’emparer de questions complexes, si on prenait le temps de les informer des enjeux, de leur présenter différentes options sur les choix à effectuer (POUR MIEUX LES MANIPULER), et qu’ils pouvaient apporter des réponses (TELLES QU’ELLES SONT SOUHAITEES PAR LES MANIPULATEURS BATTANT LA MESURE DE CES CONVENTIONS CiTOYENNES) à ces questions qui n’allaient pas forcément dans le sens de leur opinion initiale (AMEN)

    Répondre
  • L’ADEME: combien de rapports de centaines de pages, de ceci et de cela, qui ont coûté combien, et pour quels résultats ???
    (et quel positionnement par rapport au nucléaire, aux ENRv et leurs moyens de compensation… ?)

    En 1973, un grammairien (Pompidou), un juriste (Messmer) et un ingénieur (Boiteux) lançaient un énorme programme électronucléaire (assorti de quelques STEP) dont en a la chance de profiter encore aujourd’hui. Ca, c’était de l’efficacité…
    Je ne parle même pas des prototypes de RNR qui ont fait avancer la R&D dans ce domaine.

    Répondre
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