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« Il faut fixer un nouveau coefficient de conversion de l’électricité »

Tribune de Brice Lalonde, ancien ministre et président de l’association « Equilibre des énergies« 

La stratégie énergie-climat de la France dans le bâtiment est ambitieuse et réalisable à la condition de lever un frein majeur : le coefficient de conversion de l’électricité en énergie primaire. Le bâtiment est le premier consommateur d’énergie et deuxième émetteur de CO2.

Le bâtiment, premier consommateur d’énergie

La stratégie française pour l’énergie et le climat dote la France d’une trajectoire visant à atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050.

Un objectif ambitieux annoncé dès le début de son mandat par le président de la République et pour lequel de nombreux manifestants se sont mobilisés samedi 16 mars, afin que l’Etat s’engage pleinement.

Cette stratégie présente une évolution du paysage énergétique où chaque énergie propre est utilisée là où elle est la plus pertinente.

Je souscris à cette vision, en adéquation avec les réalités économiques, sociales et technologiques de la France, en particulier dans le bâtiment.

L’électricité, faisant de plus en plus appel aux énergies renouvelables, sera le fer de lance de la décarbonation, avec en appui la chaleur et le gaz renouvelables. Mais, si cette stratégie est bonne sur le papier, sa mise en œuvre se heurte à un obstacle de taille dans le bâtiment, qu’il soit neuf ou existant : le coefficient de conversion en énergie primaire.

Contrairement à la mesure de l’énergie finale, celle qui est consommée et payée par l’usager, le recours à l’énergie primaire ne met pas toutes les énergies sur un pied d’égalité et attribue des coefficients forfaitaires à chacune d’entre elles.

Le paradoxe

Ainsi, l’énergie primaire multiplie les consommations d’électricité par  2,58 alors que les fossiles (gaz, fioul et autres produits pétroliers) ne subissent aucune majoration de ce type.

Quand on veut sortir des énergies fossiles, il est paradoxal de demander plus d’efforts à l’électricité décarbonée produite sur le territoire national qu’aux énergies fossiles importées. C’est pourquoi, dans une logique aussi bien climatique qu’économique, j’appelle à revoir le coefficient de conversion de l’électricité en énergie primaire à la baisse.

En privilégiant l’électricité, non seulement le consommateur contribuerait à la transition écologique en réduisant ses émissions de CO2, mais il y gagnerait financièrement.

– Il ne serait pas exposé à l’augmentation du prix des énergies fossiles que ce soit à cause de la fiscalité carbone ou des soubresauts de la géopolitique internationale.

L’électricité, décarbonée et produite en France, n’est pas concernée par ces deux complications majeures.

– Il éviterait d’avoir deux abonnements à payer (gaz et électricité).

Est-il logique de permettre à un logement trois fois plus émetteur de CO2, de pouvoir consommer deux fois plus ? La réglementation s’inscrit dans une vision antinucléaire et hostile à l’électricité au nom d’un dogmatisme de l’ énergie primaire.

Elle ne laisse pas la place aux énergies décarbonées là où elles sont performantes (chaleurs renouvelables, hydraulique, nucléaire, biogaz, photovoltaïque, etc.). La réponse nécessaire est donc politique. Il est saisissant de voir combien les responsables politiques sont favorables aux véhicules électriques alors qu’ils ignorent l’obstacle opposé à l’électricité dans les bâtiments.

Objectif : se désintoxiquer des énergies fossiles

Ce sont là des questions techniques méconnues qui ne ressortiront sans doute pas du Grand débat ou de la Marche du siècle car elles sont depuis trop longtemps réservées aux experts alors que le grand public, toujours plus désireux d’être acteur de sa transition énergétique, aurait intérêt à les connaître.

C’est pourquoi l’association que je préside, Équilibre des Énergies, appelle les pouvoirs publics à réduire dans les meilleurs délais le coefficient de conversion de l’électricité comme le propose l’Union européenne, qui vise également la neutralité carbone en 2050.

Grâce à cette mesure, un ensemble de solutions propres et économes, allant de la pompe à chaleur aux radiateurs connectés et intelligents, seront davantage accessibles aux Français, leur permettant ainsi de se « désintoxiquer » des énergies fossiles, tout en participant à la réussite des objectifs climatiques.

 

 

 

commentaires

COMMENTAIRES

  • C’est une approche inadéquate car çà favoriserait entre-autres et par exemple les chauffages électriques de type « grilles-pain » alors que nous sommes mal placés en efficacité énergétique. De plus les technologies ne cessent d’évoluer, de même que l’analyse approfondie de leur bilan complet. Par ailleurs des technologies comme le solaire thermique et hybride sont encore peu employés en France malgré importantes évolutions récentes et leur efficacité en couverture importante voire totale des besoins et en efficacité en termes de production de chaleur et froid, d’électricité etc avec des Coefficients de performance (Cop ) très supérieurs (et plus durables) aux seules pompes à chaleur pour des services plus étendus, y compris pour les réseaux de chaleur où la couverture avec stockage inter-saisonnier peut atteindre plus de 50% comme dans certains cas au Danemark, entre autres qui ne se prive pas d’utiliser aussi le solaire Csp (par exemple à Aalborg).

    Il semble donc préférable de classer et de favoriser les technologies les plus pertinentes et de faire le point tous les 3 ans par exemple, en fonction de leurs évolutions, afin de toujours favoriser les plus pertinentes et efficaces.

    Répondre
  • Vous avez raison: le solaire est très performant pour faire de la chaleur, éventuellement en coopération avec une PAC; (chauffage, ECS) et à ce titre, il faut encourager ces solutions.
    Mais ce n’est pas précisément le sujet du débat: Pourquoi utiliser la pénalisation de l’énergie initiale/finale pour l’électricité alors qu’elle produit (en France), beaucoup moins de CO2 que les énergies fossiles même avec un calcul en énergie finale:
    électricité française en 2022: 90 g de CO2/kW.h malgré les importations fortes cette année là.
    méthane: 50 MJ/kg (13,9 kW.h/kg) avec 44g de CO2 pour 16 g de méthane (CH4 + 2O2 => CO2 + 2 H2O)
    donc 1kg de méthane (13,9 kW.h avec un rendement de 100% sur PCI) génèrent 1000g/16*44 = 2750 g de CO2 soit 198 g/kW.h ou le double de l’électricité même en énergie finale.
    et dans ce calcul très simple, je n’ai pas tenu compte des émissions générées par l’extraction, le transport, le distribution de ces énergies ni des fuites de méthane catastrophiques pour l’effet de serre.
    Mais dans des pays qui utilisent fortement le gaz pour produire de l’électricité (500 g/kW.h), c’est sur qu’il vaut mieux utiliser le méthane dans la chaudière de chauffage.
    Une règle unique européenne ne peut donc pas s’appliquer dans des pays dont l’intensité carbone varie de 25 à 800 g de CO2/kW.h.
    Pour faire simple: si électricité 200 g/kW.h il faut chauffer au gaz.

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