« Le CO2 est-il la molécule idéale pour stocker des énergies renouvelables ? »

Les émissions mondiales de CO2 ont augmenté de 67 % entre 1790 et 2018. Pour le meilleur et pour le pire. Aujourd’hui sa concentration est record malgré les solutions alternatives. Et si nous gardions le meilleur ? Le CO2, porte battante entre chimie et énergie, peut-il devenir une molécule idéale pour stocker des énergies renouvelables ?

Envols sociétaux… et de CO2 ?

La révolution industrielle a permis un essor économique et sociétal important. Les énergies fossiles (charbon, pétrole et gaz naturel) ont été des composantes essentielles de ce développement. Et l’industrie chimique, sans laquelle les progrès n’auraient pas été aussi importants, a été et est encore grandement tributaire de ces énergies fossiles.

Ces émissions anthropiques de gaz à effet de serre, responsables du réchauffement climatique, vont devenir peu à peu une préoccupation par leurs conséquences potentiellement néfastes sur l’économie, la société et l’environnement. Selon l’ONU, le ralentissement industriel dû à la pandémie de Covid-19 n’a pas freiné l’augmentation des concentrations de CO2, le principal gaz à effet de serre persistant dans l’atmosphère.

Capter le carbone

Les cycles naturels enlèvent la moitié du CO2 émis industriellement mais la partie non « recaptée » est suffisante pour déstabiliser le climat. Comment aider ce cycle naturel en ajoutant des cycles de carbonations rapides ?

Des solutions ont émergé comme le captage et le stockage du CO2, par récupération du CO2 des fumées industrielles, le compression, transport et le stockage géologique. En plus de ce stockage géologique, la solution du stockage chimique existe aussi avec, à la clé, la synthèse de produits à haute valeur ajoutée.

Voici un exemple à haut potentiel : la collaboration entre Lafarge-Holcim et la start-up américaine Solidia Technologies pour industrialiser une technologie qui produit du béton préfabriqué en utilisant du CO2 capté.

Autre exemple : les matériaux de construction de Carbon 8 Systems issus de la réaction entre CO2 capté d’émissions industrielles et de résidus industriels dont des mâchefers. La jeune pousse française Mecaware propose une technologie pour industrialiser le recyclage des métaux rares basée sur le captage de CO2.

Produire des carburants non fossiles

Mais du point de vue du cycle du CO2, ce sont des solutions de remédiation en bout de chaine et, sans autres changement, l’échelle est rédhibitoire : comment stocker chaque année chimiquement ou sous terre les 20 Gigatonnes de CO2 prévues si on ne réduit pas sa source primaire ? La gestion du déchet n’est plus suffisante : la seconde révolution doit être verte pour réussir à produire des carburants non-fossiles.

Pour baisser les émissions de CO2 à la source, ce sont des énergies alternatives que nous devons utiliser. Mais les énergies renouvelables ont des variabilités saisonnières et géographiques et donc un problème de compatibilité immédiate avec nos systèmes de production qui ne suivent pas ce même cycle.

La chimie devient, dans le cadre de la transition énergétique, une des clés possibles pour stocker et déstocker ces nouvelles sources d’énergies. Le CO2, porte battante entre chimie et énergie, devient une molécule potentielle idéale pour stocker les énergies renouvelables. La chimie n’est alors plus tributaire du secteur de l’énergie, mais sujet de la « création » de carburants à partir d’énergies renouvelables.

Trouver des molécules vectrices d’énergies renouvelables et les procédés associés (électrochimie, photochimie, solaire thermiques,…) capables de donner des carburants liquides (transportables et stockables) est le cœur de la révolution copernicienne au sein de l’énergie.

Conversion de CO2 en méthane

Le CO2 est une molécule vectrice, avec à la clé une « économie au méthanol » popularisée par le prix Nobel de chimie George Olah. Cette vision de la chimie du CO2 pour stocker des énergies renouvelables est déjà à l’œuvre.

La conversion de CO2 en méthane, alimenté par des énergies renouvelables, est au cœur de la stratégie de e-mobilité du fabricant automobile Audi avec le projet de Audi A3 g-tron qui convertit le CO2 en méthane par réaction chimique avec l’hydrogène, idéalement issu de la filière verte.

Ce stockage d’énergie renouvelable encore plus direct est issu depuis peu des travaux de l’équipe du Pr. Robert du laboratoire de recherche académique Lem de l’université de Paris, qui réussit à convertir le CO2 en méthane avec la lumière comme source d’énergie.

À grande échelle, la société islandaise Carbon Recycling International produit du méthanol à partir de CO2 sans émettre les quantités de CO2 normalement associés à cette production.

Il est important de noter qu’il y a évidemment un décalage entre le niveau de déploiement actuel de ces procédés alternatifs aux fossiles, encore embryonnaires pour certains aspects, versus les quantités en jeu nécessaires, qui sont, elles, massives.

Cependant, quand on veut s’inscrire dans une révolution copernicienne on ne peut pas prétendre que ces solutions profondément en rupture avec l’existant aient la même maturité technologique ou la même rentabilité économique qu’une solution basée sur la correction de l’existant. Mais il y a un potentiel tel que cela fait sens d’investir pour combler ce décalage.

commentaires

COMMENTAIRES

    • C’est de l’idéologie pure et simple, dangereuse quand un politique y souscrit.
      Tout d’abord, l’article n’aborde pas la vraie question : celle du coût du CCS (capture et séquestration du carbone), qui disqualifie toute industrie fossile qui chercherait à se « blanchir » en récupérant les émissions de CO2 en vue de les recycler (a priori sous forme de C solide).
      Ensuite, la méthanation, procédé qui associe de l’H2 propre (produit par électrolyse de l’eau) et du CO2 (produit par l’industrie fossile ou déjà présent dans l’atmosphère) pour générer du méthane CH4, est une pure vue de l’esprit. Certes, c’est tout à fait réalisable sous l’angle technique. Mais le rendement est tellement faible (20 %) que le procédé est inenvisageable sous l’angle industriel. Même les ayatollahs de l’ADEME qui avaient envisagé ce procédé pour stocker l’électricité intermittente des éoliennes ont reconnu que même avec des efforts technologiques énormes, le rendement ne dépasserait jamais 30 %. A 40 €/MWh éolien (ce qui serait une performance inespérée) cela mettrait le MWh déstocké à 120-200 €, donc hors de prix. Et sans compter le coût d’investissement dans les « usines à gaz » en plus du risque qu’elles présenteraient.
      Seuls les initiés, ceux qui ont une expérience industrielle, le savent. Espérons que nos décideurs ne se feront pas berner. Ou pire, que conscients de la réalité, ils ne choisiront pas, comme Merkel en Allemagne, de souscrire à ces procédés pour avoir la faveur de certains partis dits Verts et se faire réélire.

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  • Tous ces  »nouveaux procédés » demandent avant tout de présenter leur bilan énergétique… et donc le rendement de conversion.
    Le CO² est un oxyde, c’est une molécule très stable comme tous les oxydes… vouloir la casser, la modifier demande globalemet plus d’énergie que ce que l’on va récupérer en bout de chaine!
    Alors des chiffres précis, quoi qu’il en soit, ces entreprises de l’alchimie ont déposé des brevets alors dites nous de quoi il retourne… mais je crains fort les réponses… même si vous dilapidez en début de procèss des EnR?

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  • Pour le moment, on a plutôt affaire à l’utilisation de CO2 fossile pour produire davantage de pétrole bien fossile.

    Depuis quarante ans, le CO2 d’origine naturelle est capté et transporté par pipeline pour augmenter la production des champs de pétrole.

    Selon une étude de 2012 d’un grand pétrolier américain, le CO2 utilisé pour augmenter la récupération dans les puits de pétrole (EOR : Enhanced Oil Recovery) provenait à 79% de sources naturelles (gisements de CO2), 12% de la purification du gaz des gisements de gaz (séparation du CH4, du CO2, H2S et divers), 7% de la production de carburants à partir du charbon (CTL : coal to liquids).

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  • Le captage et la séquestration ou l’utilisation du carbone (CCS/CCUS) est un vieux serpent de mer ou une Arlésienne, comme l’on voudra. Sans réel succès pour autant, malgré tout le tapage médiatique fait autour de cette prétendue solution.

    Les exemples cités d’utilisation du CO2 sont insignifiants comparés à la simple utilisation du CO2 pour la fabrication de boissons gazeuses. CO2 dont on ne connait d’ailleurs pas l’origine, excepté pour le Champagne et autres vins pétillants, ni le contenu en « énergie grise ».

    Capter du CO2 pour le « convertir » en méthane en l’associant avec de l’hydrogène supposé « vert » est aussi illusoire qu’inutilement dispendieux en énergie si c’est pour produire des carburants routiers.

    Le rendement d’un moteur thermique au gaz, naturel ou « bio », est équivalent à celui d’un moteur utilisant les carburants fossiles habituels. Un véhicule à hydrogène ne fait pas mieux, le rendement du « puits électrique » (la prise) à la roue étant comparable à celui de la pompe à la roue.

    Par contre, l’efficacité énergétique d’un véhicule électrique à batterie est à peu près 2,8 fois meilleure que celle d’un véhicule thermique classique ou que celle d’un véhicule à hydrogène.

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    • Il faut tout mettre en oeuvre pour abandonner tous les cycles thermiques avec leurs rendements énergétiques lamentables (excepté pour les systèmes à cogénération efficace).
      Une autre exception pourrait concerner les moteurs thermiques alimentés au Biogaz…ceci permettrait aussi d’avoir une période transitoire pour passer au tout électrique  »raisonnable »… pas des grosses caisses pour complexés de la grosse bagnole!
      Effectivement on améliore de 300% le rendement des VE…ou tout simplement on peut faire trois fois plus de km avec la même quantité d’énergie consommée…sauf avec l’H² qui présente un rendement global même inférieur aux moteurs thermiques… stupide pour qui comprend l’énergie; pourtant tout le monde s’y engouffre!
      Mais n’oublions pas seule Dame Nature sait recycler efficacement le CO² dans le monde animal et végétal, l’homme ne peut que copier ces cycles naturels…au lieu de cela nous détruisons nos forêts…on est vraiment  »mal bar »!

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  • « Par contre, l’efficacité énergétique d’un véhicule électrique à batterie est à peu près 2,8 fois meilleure que celle d’un véhicule thermique classique ou que celle d’un véhicule à hydrogène. » Vous rappelez là une évidence. En effet, cela ne sert à rien si l’impact environnemental (contenu carbone et prélèvements en ressources naturelles) n’en est pas amélioré.

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    • Pour compléter le commentaire de Cochelin, on peut se référer à la réfutation disponible sur le site sepra81 d’une tribune parue dans Reporterre présentant la voiture à hydrogène comme un « miroir aux alouettes »: l’efficacité énergétique d’un moteur électrique n’est qu’un élément à prendre en compte .
      Toujours sur le même site sont indiquées d’ autres façons que la méthanation, indiquée dans l’article, pour se débarrasser du CO2.D’ailleurs si on utilise le méthane pour sa seule combustion on reproduit le CO2 qu’on a , temporairement, éliminé.Il vaut mieux l’employer comme source d’hydrogène par vaporeformage ( dans ce cas en piégeant le CO2 par exemple par réaction avec la potasse, pour donner du bicarbonate de potassium, engrais chimique de valeur ) ou par décomposition thermique avec production de carbone amorphe, produit lui aussi de valeur.

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  • Le site indiqué est celui d’une alouette qui a heurté trop violemment le miroir pour bien raisonner. Une alouette plus attirée par les mythologies que par des informations sérieuses.

    Par exemple, le captage du CO2. Comme déjà dit, certains en parlent beaucoup mais les réalisations concrètes se font attendre, en dehors de quelques expérimentations menées avec parcimonie.

    Dans le monde réel, lorsque le captage du CO2 a lieu, c’est pour l’injecter dans un puits de pétrole en déclin pour en augmenter la production et produire à nouveau du CO2 dispersé dans l’air. Dans le cas de la production d’hydrogène à partir du gaz naturel, le rendement de production est diminué de 15% et le coût augmenté de 30% (cas concret), sans compter le coût énergétique de compression et de transport du CO2.

    Le site en question ne réfute rien du tout. L’article critiqué a le tort de citer des constructeurs automobiles alors que d’autres sources plus pertinentes sont disponibles.

    Selon l’Ademe, l’électricité finale disponible pour alimenter le moteur électrique d’un véhicule à hydrogène est seulement de 23% de l’électricité de départ, tout le reste étant perdu dans l’électrolyse, la compression à 350 bars et la pile à combustible. En passant par une batterie, l’électricité disponible au moteur est égale à 80% de celle de départ : 3,5 fois mieux.

    Utiliser de l’hydrogène dans un moteur thermique conduit à un bilan énergétique encore plus mauvais qu’avec une pile à hydrogène.

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    • Chouette! ( pas alouette) : Chacun(e) peut se rendre sur « le site indiqué » pour trouver des « mythologies » … Voici pour des « sources plus pertinentes » (?) en tout cas très récentes : 1) HIER, à 7h15 dans l’émission de France- inter « les savanturiers », Victorien Erussard indique qu’il y a, en Californie, « beaucoup d’innovations sur le captage du carbone » », en particulier « une espèce de plastique fabriqué à partir du CO2 capturé ». Serait-ce, comme indiqué à l’ancien chef de cabinet ( qui n’a pas pu répondre) de l’ancien ministre de Rugy, à partir d’acide formique (piégeage, mis au point à l’EPFL, du CO2 par une molécule d’Hydrogène), facilement estérifié ? 2) AVANT-HIER dans Marianne, pour la voiture électrique , « en moyenne, il faut en effet près de 150 000 km pour neutraliser le péché originel » (« durant la phase de production, une batterie fait davantage tourner le compteur des gaz à effet de serre qu’un réservoir à carburant liquide »). Et les batteries doivent être renouvelées, ce qui accentue « le péché originel » .Certes, avec un moteur thermique le rendement est moins bon, mais avec celui à hydrogène, il n’y a pas production de CO2.

      Répondre
  • Les minuscules « innovations » pour le captage du carbone sont très loin de déboucher sur des réalités industrielles méritant d’être citées. Toutes ces « innovations » réunies sont insignifiantes.

    L’acide méthanoïque (acide formique) de formule CH2O2 est une solution envisagée depuis quinze ans par l’EPFL (École polytechnique fédérale de Lausanne) pour le stockage de l’hydrogène.

    Aucune réalisation pratique industrielle n’a été faite depuis.

    Pour ce qui est de la comparaison entre un véhicule thermique et un véhicule électrique, celui-ci produit nettement moins de CO2 sur tout son cycle de vie, y compris avec des batteries produites en Chine et de l’électricité produite en Pologne.

    Enfin, dès 2022, les usines européennes produiront assez de batteries pour fournir tout le marché des véhicules électriques européens.

    Répondre
  • Des professeurs  »Nimbus » qui espèrent faire mentir les lois de la physique et de la chimie organique!
    Bien sûr qu’aucune réalisation pratique industrielle n’a été faite et ne sera jamais faite! retournez à l’école, même vous issus de polytechnique Lausanne!).
    C’est quand même terrible ces obstinations stériles, coûteuses et sans avenir!
    Le bon sens ne fait plus partie de notre civilisation… et pire;  »l’adaptabilité de Sapiens-sapiens » est devenue  »extra-terrestre »!

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