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Cigéo : la meilleure solution (Tribune)

Tribune de Michel Gay.

Bonne nouvelle : techniquement et financièrement, le problème des déchets nucléaires est résolu. L’essentiel est déjà acquis pour le projet de Centre industriel de stockage géologique des déchets nucléaires (Cigéo) fondé sur des études et des essais démarrés il y a plus de quinze ans, et encadré par le Parlement.

Plus de 90 % en volume des déchets radioactifs sont aujourd’hui gérés de façon définitive dans plusieurs centres de stockage en service depuis plus de 20 ans.

Pour les 10% restants, c’est-à-dire pour les déchets radioactifs de haute et moyenne activité à vie longue (HA et MA-VL qui contiennent la majeure partie de la radioactivité), la solution reconnue internationalement comme sûre et pérenne, depuis 2011, est le stockage définitif à grande profondeur (500 mètres), encore appelé « stockage géologique ».

La France prépare ce stockage définitif à Bure (entre Meuse et Haute-Marne) depuis la loi « Birraux » de 2006.

En 2025, le gouvernement devra prendre des décisions qui relèvent de son pouvoir régalien pour autoriser ce type de stockage (définitif, ou provisoirement réversible pendant une centaine d’années).

Le stockage géologique comme référence

Le Conseil de l’Union européenne a adopté le 19 juillet 2011 la directive 2011/70/Euratom mentionnant que le stockage géologique est la solution de référence pour les déchets HA et MA-VL.

Les réflexions de l’Agence international de l’énergie atomique en 2003, de l’Agence pour l’énergie nucléaire de l’OCDE en 2008, et de l’Union européenne en 2011, convergent toutes pour considérer que le stockage géologique est la meilleure solution disponible.

Le stockage géologique s’est donc imposé comme la solution à long terme dans la plupart des pays.

Faut-il en avoir peur ?

Pourquoi certaines personnes ont-elles peur de ce stockage alors que les éléments radioactifs ne remonteront jamais à la surface ? Ou après une si longue période de plusieurs dizaines de milliers d’années que leur dangerosité aura totalement disparu.

En effet, la radioactivité décroît avec le temps et elle se confondra alors avec la radioactivité naturelle ambiante du sol qui contient en moyenne 3 grammes d’uranium par tonne de terre. Et elle restera inférieure à celle des régions granitiques en France (Massif central, Bretagne, Alpes) qui en contiennent naturellement jusqu’à 20 grammes, et où elle est bénéfique.

En juillet 2003, l’Académie de médecine considère que « l’électricité nucléaire s’avère avoir le plus faible impact sur la santé par kilowattheure produit par rapport aux filières utilisant des combustibles fossiles, les biomasses ou l’incinération des déchets, ou même les énergies éolienne et photovoltaïque ».

En janvier 2012, l’Académie des sciences confirme que « les centrales nucléaires sont aujourd’hui le seul moyen de produire massivement de l’électricité concentrée, permanente et sans émission de gaz à effet de serre ». Elle souligne aussi que « quatre décennies d’expérience ont montré que l’impact sanitaire du nucléaire est bien moindre que celui d’autres sources principales d’énergie, le charbon en particulier ».

Actuellement, la totalité de l’électricité nucléaire, soit 75% de la production nationale, est produite par la fission d’un gramme d’uranium par Français et par an ! (60 tonnes d’uranium fissionnées par an pour 60 millions de Français, ce qui représentent moins de… 4 mètres cubes).

L’ensemble des déchets HA et MA-VL (donc comprenant aussi les gaines des combustibles) représente moins de 500 m3 par an après conditionnement dans des cylindres de verre et d’acier à la Hague. Et moins de 2000 m3 après les avoir revêtu des protections supplémentaires en béton pour le stockage géologique. Ce qui reste un volume faible et gérable sans difficulté insurmontable.

Et le financement ?

En France, selon la Cour des comptes, le coût de ce stockage géologique est financé. Il est provisionné dans le prix de vente de l’électricité, pourtant parmi les moins chers d’Europe.

Et le montant de notre facture d’électricité ne « s’envolera » pas, même si cette provision s’avére insuffisante. Si le coût du stockage venait à doubler, l’électricité facturée aujourd’hui 15 c€/kWh augmenterait de moins de 0,3 c€/kWh[1] .

Rappel : le prix de l’électricité est de plus de 30 c€/kWh en Allemagne pour les particuliers, dont une grande partie sert à subventionner les énergies renouvelables (« Energiewende »).

L’indécision politique actuelle qui rallonge les délais de mise en stockage définitif, représente un coût faible sur la facture d’électricité du consommateur : moins de 0,1 c€/kWh.

Peurs irrationnelles et décisions

Des peurs irrationnelles traversent la population parce que des antinucléaires, habiles en communication, jouent sur l’émotion en agitant régulièrement des épouvantails bardés d’amalgames, de raisonnements biaisés et de mensonges.

Ensuite, parce que l’humain peine naturellement à appréhender des temps longs (comme 10.000 ans) et il se méfie de ce qu’il ne comprend pas. Il est donc réceptif aux messages effrayants distillés régulièrement par les médias.

Les gouvernements successifs ne prennent pas de décision parce qu’ils ne veulent pas ouvrir ce dossier sensible et… qu’il n’y a pas d’urgence technique.

En effet, les déchets nucléaires vitrifiés conditionnés dans des cylindres d’acier doivent refroidir en surface pendant plusieurs dizaines d’années (au moins 60 ans et même un siècle) avant d’être définitivement stockés.

Plus ils refroidissent, moins cher sera le stockage des déchets dont le dégagement de chaleur constitue un facteur dimensionnant.

Les responsables politiques ne voient donc pas l’intérêt pour le moment de s’engager dans cette voie épineuse (il faudrait faire preuve de pédagogie) qui pourrait déplaire à certains électeurs potentiels….

Cette attitude « frileuse », encouragée par les antinucléaires, contribue à accréditer l’idée fausse mais clamée « urbi et orbi » : « on ne sait pas quoi faire des déchets nucléaires ».

Convergence d’intérêts… divergents ?

Toutefois, ni les adversaires du nucléaire, ni les responsables de ce stockage en profondeur ne semblent pressés de déclarer que la solution existe, et qu’elle s’appelle Cigéo.

En effet, d’une part, les antinucléaires ont fait des déchets un sujet fédérateur contre le nucléaire. Ils ne veulent donc pas que le problème des déchets soit résolu puisqu’il constitue leur principal point d’appui pour justifier l’arrêt du nucléaire. L’objectif est de « constiper » la filière nucléaire pour qu’elle meure d’une « occlusion intestinale ».

Le raisonnement tient en quelques mots : « Puisqu’on ne sait pas quoi faire des déchets, il faut tout arrêter immédiatement ! ». Et une fois prise la décision politique de sortir du nucléaire, comme en Allemagne, par miracle la solution acceptable par les antinucléaires[2] … est le stockage géologique combattu en France.

D’autre part, les responsables du stockage géologique, aidés involontairement par les antinucléaires, voient dans ces controverses interminables, une source durable de recherches et de démonstrations dans le prolongement de la phase d’expérimentation.

Prendre son temps permettrait aussi « d’apaiser les craintes, d’optimiser la conception et d’améliorer l’ingénierie pour diminuer les coûts des travaux de réalisation »[3] .

Pour des raisons différentes, voire opposées, chacun semble y trouver son compte. Les tergiversations politiques sur le stockage définitif des déchets nucléaires HA et MA-VL peuvent donc malheureusement durer encore jusqu’en… 2025.

Cependant, même s’il n’y a pas d’urgence, il est temps que nos responsables politiques s’engagent franchement pour soutenir le stockage géologique. Ce revirement courageux mettrait un terme à cet argument antinucléaire fallacieux qui sème le trouble dans les esprits et qui nuit à une adhésion populaire en faveur du nucléaire.

Ce soutien affiché aurait le mérite de clarifier la situation et de fixer un cap énergétique stable pour le bien de nos entreprises qui attendent une énergie abondante et bon marché sur le long terme.

Un stockage géologique historique

Le stockage naturel d’éléments radioactifs existe depuis… très longtemps ! Des concentrations naturelles d’éléments radioactifs, tels que l’uranium et le thorium, sont enfouies dans l’écorce terrestre depuis des milliards d’années.

Au Canada, le gisement de Cigar Lake dans la province de l’Athabasca est resté confiné sans émanation sous 400 mètres de sédiments pendant plus d’un milliard d’années avant sa découverte.

Mieux, au Gabon, dans le gisement d’Oklo, des réacteurs naturels découverts en 1972 se sont déclenchés il y a 1,7 milliard d’années. Ils ont « fonctionné » pendant des milliers d’années en produisant plusieurs tonnes de déchets radioactifs, dont le plutonium. Il n’y a pas eu de dispersion dans le milieu naturel puisque les éléments ultimes (qui ne sont plus dangereux) de la désintégration des radioéléments ont été retrouvés sur place.

La nature, seule, a su confiner des déchets nucléaires et les conserver plus d’un milliard d’années, bien après que le potentiel agressif de leur radioactivité ait disparu.

L’homme, en ajoutant des connaissances et des techniques, peut aussi confiner ses déchets nucléaires de manière sûre et pérenne. Il sait le faire aujourd’hui aussi bien, sinon mieux, que la nature pour assurer sa sécurité, son bien-être et son développement.

Il sera toujours temps d’agir…

Le stockage géologique des déchets nucléaires ne présente aucun danger, ni aujourd’hui, ni dans le futur lointain pour les générations suivantes. Il est d’un coût raisonnable et les élus doivent le comprendre et le dire pour rassurer les Français qui n’entendent que des antinucléaires s’agiter dans les médias.

La production massive d’électricité d’origine nucléaire constitue incontestablement un atout pour la France. Elle représente un gisement de création d’emplois non délocalisables, et elle est le seul moyen pour doter la France d’une politique énergétique efficace à long terme.

En Allemagne, le rêve fou d’une société sans nucléaire alimentée par le vent et le soleil est un échec. Sa consommation de gaz et de charbon (et aussi de lignite existant en abondance dans son sous-sol) ne baisse pas, et ses émissions de gaz à effet de serre stagnent malgré des centaines de milliards d’euros injectés dans sa « transition énergétique » qui visait le contraire…

Le combat des antinucléaires contre Cigéo est un mauvais combat d’arrière-garde mené par des activistes à des fins idéologiques et politiques. L’enjeu est de rallier l’opinion à la cause (autoproclamée) des « sauveurs des futures générations « .

Toutefois, le stockage géologique Cigéo représente la meilleure solution « pour la planète » de la nécessaire gestion des déchets nucléaires. Les seuls obstacles ne sont pas d’ordre technique ou financier, mais d’ordre social et psychologique… et donc politique.

 

[1] Rapport Cour des comptes, janvier 2012, p 379 : « Le calcul du coût de production (5 c€/kWh) est peu sensible aux incertitudes portant sur les charges futures de démantèlement ou de gestion des déchets, le coût total évoluant de 5% environ si celles-ci venaient à doubler » ; (et donc de 2% sur le prix consommateur qui est de 15c€/kWh).

« La Cour des Comptes évalue la sensibilité du coût à un doublement du devis du stockage profond des déchets à 1 %. En effet, la période considérée étant extrêmement longue, l’actualisation ramène le coût à un niveau peu élevé« .

[2] Revue de l’UARGA « Nucléaire et énergies » n°62 de décembre 2013, page 20.

[3] Luc Oursel, Président du directoire d’Areva, audition à l’Assemblée nationale le 20 mai 2014.

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