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Bâtiment : des bâtons dans les roues de la neutralité carbone

Lors de la signature de l’Accord de Paris sur le climat, en 2015, la communauté internationale s’est engagée à définir un cadre d’action concret permettant de contenir le réchauffement des températures terrestres en dessous de 1,5 ou 2°C d’ici la fin du siècle

Pour y parvenir, les États ont notamment souligné la nécessité de diminuer de 40 à 70% les émissions mondiales de dioxyde de carbone d’ici l’horizon 2050.

En France, la stratégie énergie-climat dans le bâtiment, premier consommateur d’énergie et deuxième émetteur de CO2, est ambitieuse. Problème, et surtout gros paradoxe : les énergies décarbonées sont pénalisées au détriment des énergies fossiles… Explications.

L’électricité française, une des moins polluantes d’Europe

Si l’Union Européenne a fixé des objectifs précis à atteindre en matière de lutte contre le réchauffement climatique, chaque État membre est libre d’adopter la politique énergétique qu’il souhaite. Les stratégies énergétiques qui sont mises en place par les pays du Vieux Continent affichent à ce titre certaines disparités. Notamment dans le secteur de la production d’électricité, au sein duquel le choix des ressources a un impact majeur et direct sur l’environnement.

Grâce à un mix électrique fortement décarboné, la France fait partie des pays où l’électricité est la plus respectueuse de l’environnement. L’énergie électrique consommée au quotidien (également appelée énergie finale) est en effet issue de technologies qui n’émettent pas de gaz à effet de serre. Il s’agit de l’énergie hydraulique et nucléaire, utilisées depuis plusieurs décennies dans l’Hexagone, ainsi que les énergies renouvelables solaires et éoliennes depuis le début des années 2000.

Si l’on se base sur le bilan électrique 2018 de la France, on peut constater que la part de l’énergie hydraulique dans le mix électrique français s’est élevée à 12,5% ; celle du nucléaire à 71,7% ; celle de l’énergie éolienne à 5,1% et celle du solaire à 1,9%.

Sur 100 kilowattheures produits en France, 86 sont donc totalement décarbonés : aucune émission de CO2 n’est intervenue dans la production de cette électricité.

La RT2012 pour améliorer le bilan carbone du bâtiment

Le bâtiment est considéré comme le secteur le plus énergivore de notre économie. Il consomme plus de 40% de l’électricité produite en France et génère annuellement près d’un quart des émissions de dioxyde de carbone.

Améliorer l’efficacité énergétique des logements français est donc un des axes de travail prioritaires du gouvernement dans le cadre de la transition énergétique pour la croissance verte.

Pour parvenir à améliorer le bilan carbone du secteur du bâtiment, l’Etat a décidé de mettre en place en janvier 2013 une nouvelle règlementation thermique pour les logements collectifs et les maisons individuelles.

Baptisées RT2012, ces nouvelles dispositions contraignantes visent à favoriser l’efficacité énergétique du bâti et à limiter la consommation d’énergie primaire d’un bâtiment neuf à 50 kilowattheures d’énergie primaire par mètre carré et par an kWhep /m²/an).

La législation française impose de tenir compte de l’énergie nécessaire à la production et au transport de l’électricité dans le calcul de la valeur d’un kWhep.

Pour ce faire, un coefficient est appliqué à l’énergie primaire (ressource non transformée) pour en déterminer sa valeur en énergie finale. Pour l’électricité, ce coefficient s’élève à 2,58. Pour les énergies fossiles (gaz et fioul notamment), ce coefficient est égal à 1.

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Le paradoxe énergétique français

1 kWh d’électricité correspond donc à 2,58 kWhep. Selon les conventions établies par la RT2012, une consommation maximale de 50kWhep/m²/an équivaut donc à une consommation maximale d’électricité de 19 kWh/m²/an d’électricité. Toujours selon les mêmes conventions, les énergies fossiles ne subissent aucune majoration. En d’autres termes, la RT2012 autorise un logement fossile à consommer 50kWhep/m²/an d’énergies fossiles pour couvrir ses besoins thermiques (chauffage, eau chaude)… soit 2,58 fois plus qu’un logement électrique.

Ce mode de calcul peut paraitre particulièrement paradoxal dans un pays comme le nôtre. La RT2012 pénalise en effet l’électricité renouvelable, hydraulique et nucléaire malgré ses avantages indéniables (pas ou peu polluantes, produites sur le territoire national ce qui renforce notre indépendance énergétique et qui affichent un coût compétitif).

Pire, la RT2012 favorise le recours aux énergies fossiles qui, en plus d’être néfastes dans la lutte contre le réchauffement climatique, ne permet pas aux citoyens d’optimiser le coût de leur facture énergétique (énergie importée, prix de marché variable, taxe carbone…). Un comble lorsqu’on sait que le gouvernement encourage la fin des chaudières au fioul dans l’habitat d’ici 10 ans.

« Quand on veut sortir des énergies fossiles, il est paradoxal de demander plus d’efforts à l’électricité décarbonée produite sur le territoire national qu’aux énergies fossiles importées », déplore Brice Lalonde, ancien ministre et président de l’association Equilibre des énergies.

« C’est pourquoi, dans une logique aussi bien climatique qu’économique, j’appelle à revoir le coefficient de conversion de l’électricité en énergie primaire à la baisse (…). Grâce à cette mesure, un ensemble de solutions propres et économes, allant de la pompe à chaleur aux radiateurs connectés et intelligents, seront davantage accessibles aux Français, leur permettant ainsi de se désintoxiquer des énergies fossiles, tout en participant à la réussite des objectifs climatiques ».

commentaires

COMMENTAIRES

  • Vous oubliez le fait que l’électricité utilisée pour le chauffage, surtout dans une maison « RT2012 » qui consomme principalement par grand froid lors des pics de demande, provient en bonne partie de centrales thermiques d’appoint qui viennent en renfort à ce moment là. Ces centrales émettent du CO2 (gaz, ou même charbon encore !). De toute façon, le coefficient de conversion 2.58 n’a rien à voir avec le CO2, c’est une question d’énergie primaire prélevée dans la nature, et vous aurez beau tourner le problème dans tous les sens, dans les centrales thermiques, nucléaires ou autre, le rendement global ne dépasse guère les 30 %. Le coefficient 2.58 est donc tout à fait justifié, d’autant plus que dans la réalité il est encore supérieur à cela, d’après les chiffres officiels eux mêmes ! Il vaut mieux brûler le gaz dans la chaudière à condensation d’une maison avec des rendements proches des 100% que dans une centrale thermique d’appoint avec un rendement de 30% non ?

    Répondre
    • Nicolas, vous faites une double erreur de raisonnement.
      Vous considérez tout d’abord que toute l’électricité utilisée pour les besoins de chauffage est issue des centrales « d’appoint » comme vous dites. C’est inexact. Le nucléaire et l’éolien produisent plus en hiver qu’en été ce qui fait que la part d’électricité produite au gaz reste très minoritaire en hiver. Voyez les informations d’eco2mix de RTE…
      Vous considérez à tort que toutes les énergies se valent. Non: le contenu en CO2 de l’électricité, même en hiver, reste faible (regardez à nouveau eco2mix ou les cartes d’electricitymap.com), ce qui donne aux solutions électriques un avantage majeur pour réduire les émissions de CO2 et lutter ainsi contre les dérèglements climatiques. Il ne suffit pas de réduire la consommation d’énergie d’un logement, il faut choisir le meilleur compromis isolation/choix d’énergie.
      En isolant ma maison et en changeant d’énergie (PAC à la place du gaz), j’ai divisé ma consommation d’énergie par 5 et mes émissions de CO2 par 11..

      Répondre
  • @ Nicolas :
    Même au pire moment du pire hiver pour le réseau français (le 08/02/12 à 19h), environ 80% de l’électricité que nous consommions était issue d’énergies peu carbonées : nucléaire et hydraulique.

    Donc même à ce pire instant, et en supposant que tout le reste était produit par du charbon (la pire énergie), le bilan carbone de l’électricité que nous consommions restaient environ deux fois meilleur que celui du gaz naturel.

    Ensuite non, compter en énergie primaire n’a aucun sens parce que l’impact sur l’environnement comme le porte-monnaie ou l’emploi n’est pas du tout le même d’une énergie à une autre.

    Cette notion d’énergie primaire ne correspond à rien de concret : Pas à des euros, pas à des gCO2/kWh, pas des tonnes de matières premières utilisées, puisque tous ces paramètres varient grandement en fonction de l’énergie utilisée.

    Ce qui compte, ce n’est pas le rendement du processus global, mais les impacts économiques (coûts, emplois, balance commerciale…) et environnementaux (CO2, particules fines…).

    Répondre
  • C’est une approche inadéquate car çà favoriserait entre-autres et par exemple les chauffages électriques de type “grilles-pain” alors que nous sommes mal placés en efficacité énergétique.

    De plus les technologies ne cessent d’évoluer, de même que l’analyse approfondie de leur bilan complet.

    Par ailleurs des technologies comme le solaire thermique et hybride sont encore peu employées en France malgré d’importantes évolutions récentes et leur efficacité en couverture élevée voire totale des besoins et en efficacité en termes de production de chaleur et froid, d’électricité etc avec des Coefficients de performance (Cop ) très supérieurs (et plus durables) aux seules pompes à chaleur pour des services plus étendus, y compris pour les réseaux de chaleur où la couverture avec stockage inter-saisonnier peut atteindre plus de 50% comme dans certains cas au Danemark, entre autres qui ne se prive pas d’utiliser aussi le solaire Csp (par exemple à Aalborg).

    Ou plus encore hors des réseaux de chaleur des couvertures à 100% par solaire thermique et stockage via des forages (et autres) de faible profondeur qui font leurs preuves depuis plus de 10 ans au Canada, Scandinavie etc bref pas les pays les plus ensoleillés ni chauds.

    https://www.youtube.com/embed/yxOv_vMx4H0

    Il semble donc préférable de classer et de favoriser les technologies les plus pertinentes et de faire le point tous les 3 ans par exemple, en fonction de leurs évolutions, afin de toujours favoriser les plus adéquates et efficaces.

    Le secteur du bâtiment couplé à une décentralisation de l’énergie ont un rôle essentiel à jouer. Il existe déjà dans le monde plusieurs dizaines de milliers de bâtiments producteurs d’énergie. On constate également un nombre croissant de bâtiments, d’entreprises etc qui se coupent du réseau, de ses coûts et autres aspects négatifs élevés, allant de pair avec un nombre croissant de solutions et autres approches d’énergie décentralisée. Nos architectes, constructeurs et promoteurs en France doivent donc être aidés au plan énergétique et mettre les bouchées doubles.

    Raisonner sur le seul paramètre « électricité » et « CO2 » en oubliant tous les autres aspects et paramètres est par ailleurs plus qu’incomplet dans le domaine énergétique. Nous sommes déjà champion du monde en thermosensibilité avec 2,4 GWh d’appel par degré C de moins en hiver.

    On a commis également des erreurs comparables dans le domaine des agrocarburants où la photosynthèse a un rendement tout au plus de 6% et ensuite la combustion a un rendement modeste dans les moteurs thermiques, sans évoquer toutes les étapes intermédiaires d’exploitation, transformation, transports etc

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