avenir sobriete energetique est donc bien dans main legislateur - Le Monde de l'Energie

« L’avenir de la sobriété énergétique est donc bien dans la main du législateur »

Dans un entretien au Monde de l’Energie, Laurent Fournié, ingénieur polytechnicien et cofondateur de Don de Chaleur (une start-up défendant la sobriété énergétique), évoque les évolutions récentes du marché de l’électricité et leurs impacts sur la sobriété énergétique.

Le Monde de l’Énergie —Certains fournisseurs d’électricité « alternatifs » sont accusés d’avoir profité de situations de marché favorables pour réduire volontairement leurs nombres de clients. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ?

Laurent Fournié —Avant la crise énergétique, la plupart des fournisseurs d’électricité alignaient leurs tarifs de vente sur le Tarif Réglementé de Vente d’Électricité (TRVE), commercialisé par EDF. Celui-ci est calculé chaque année par la CRE (Commission de régulation de l’énergie) avec un décalage de 2 ans sur le prix de marché. Ainsi, début 2022, le TRVE était basé sur le prix moyen des transactions en 2020 et 2021 pour de l’électricité livrée en 2022.

En 2022, suite à l’invasion de l’Ukraine et à la très faible disponibilité du parc nucléaire français, les prix de marché de l’électricité ont fortement augmenté: de 50 euros/MWh en début d’année 2021, le prix de gros est passé à 500 euros/MWh en juin 2022 pour atteindre 1800€/MWh en août 2022. Le TRVE étant bien inférieur, il était beaucoup plus intéressant pour les fournisseurs de vendre l’électricité sur les marchés plutôt qu’à leurs clients.

C’est pourquoi la majorité des fournisseurs alternatifs ont arrêté de recruter de nouveaux clients. Et pour la première fois, les grands fournisseurs ont même proposé des primes aux clients qui réduisaient leur consommation. Si les arguments avancés étaient louables (participation à l’effort national de sobriété, impact environnemental…), leur enjeu était avant tout financier. A titre d’exemple, lorsque TotalEnergies proposait en octobre un Bonus Conso de 60 € pour 10% de baisse de consommation, l’entreprise gagnait cinq fois plus en revendant sur les marchés l’électricité économisée.

Le Monde de l’Énergie —Vous estimez que la hausse du TRVE et la baisse des prix de gros sur les marchés de l’électricité risquent d’inciter les fournisseurs à « pousser à la consommation » cette année, et donc à réduire les efforts de sobriété. Là encore, pouvez-vous nous expliquer pourquoi ?

Laurent Fournié —En 2023, la situation s’est inversée : les prix de marché ont fortement baissé début 2023 alors que le calcul de la CRE, basé sur les prix 2021 et 2022, mène à une augmentation de 110% du TRVE. Pour limiter l’impact sur le pouvoir d’achat des français, le gouvernement plafonne l’augmentation du TRVE à 15% et paie l’écart aux fournisseurs, soit plus de 100€/MWh. Les fournisseurs se retrouvent alors dans une situation où il est extrêmement rentable de vendre de l’électricité et pousser les particuliers à augmenter leur consommation. L’antithèse donc, de la sobriété énergétique !

Le Monde de l’Énergie —Quels mécanismes pourraient permettre de valoriser les fournisseurs et les consommateurs qui jouent le jeu de la sobriété ?

Laurent Fournié —Le sujet n’est pas totalement nouveau : un fournisseur comme Octopus Energy propose ainsi depuis longtemps une cagnotte qui récompense les économies d’énergie de leurs clients. Nous avons également monté un défi solidaire de sobriété : pour chaque kWh d’économie d’énergie, Don de Chaleur finance des associations d’aide aux précaires énergétiques.

Ces initiatives fonctionnent aujourd’hui grâce au soutien financier d’entreprises engagées dans la transition énergétique. Elles pourraient être facilement généralisées à l’aide de programmes CEE (Certificats d’Economies d’Energie) dédiés à la sobriété énergétique.

Et pour aller plus loin, il est nécessaire que le gouvernement incite l’ensemble des fournisseurs à valoriser dans leurs tarifs les efforts de sobriété de leurs clients.

Le Monde de l’Énergie —Comment coordonner les efforts de sobriété énergétique, nécessaires pour répondre à l’urgence climatique, avec un accès à l’énergie à un tarif raisonnable, en particulier pour les plus démunis ?

Laurent Fournié —Les Diagnostics de Performance Énergétique donnent une estimation de la consommation du logement à usage standard (pour une température de chauffage de 19°C par exemple). Mais pour un même logement, la consommation d’énergie peut varier de +/- 20% en fonction des pratiques du foyer. Pour concilier accès à l’énergie et sobriété énergétique, il suffirait de limiter le bouclier tarifaire à 80% de la consommation estimée dans le DPE. Les consommateurs les plus sobres bénéficieraient donc d’un prix raisonnable. De même les précaires énergétiques, qui font déjà beaucoup d’effort pour réduire leur consommation, garderaient un accès à l’énergie bon marché. En contrepartie, les consommateurs qui consomment plus que la moyenne verraient leur facture énergétique augmenter.

Tous les DPE sont stockés depuis 2013 au sein de l’Observatoire DPE de l’Ademe. Il est donc possible de les utiliser pour la facturation, au moins dans un premier temps pour les fournisseurs volontaires.

Le Monde de l’Énergie —Quelles solutions sur le long terme pour répondre à la crise énergétique et à la crise climatique ?

Laurent Fournié —Les études de RTE et de l’Ademe montrent que la neutralité carbone ne pourra être atteinte sans effort important de sobriété énergétique : les délais de développement de la filière EPR ainsi que les contraintes sur le rythme de déploiement des énergies renouvelables limitent notre capacité de production d’énergie décarbonée.

Mais la sobriété est trop souvent perçue comme un geste individuel de consommateur engagé. Cette vision est très dangereuse car elle fait porter tous les efforts sur le consommateur, alors que seuls des mécanismes incitatifs intelligents peuvent permettre de généraliser des comportements vertueux. L’avenir de la sobriété énergétique est donc bien dans la main du législateur.

commentaires

COMMENTAIRES

  • On pourrait presque benir ces temps difficiles qui nous font prendre conscience que ce qui aurait du être un des piliers de notre culture depuis toujours, comme la sobriété par exemple, peut nous être rappelé dans l’adversité. Les rappels à l’ordre sont d’autant plus sévères qu’ils sont indispensables à l’écervelé que nous sommes.
    Serge Rochain

    Répondre
    • @ »Père Vert » Serge,

      Les hommes ne sont pas écervélés sur tout, sinon nous serions encore des primates… Mais certes la part de « comportement incohérent » est hyper impactante sur notre environnement dorénavant… (Effet de masse globale et de capacités de moyens globaux…)

      Répondre
  • Le format de prix du kW.h progressif existe dans certains pays (dont des pays pauvres). Et Cela marche… Les 1ères tranches sont très bons marchés et permettent à tous et toutes un confort énergétique minimum, puis cela augmente de plus en plus vite… Les derniers kW.h finissent par couter bien chers et donc imposent un choix de consommation raisonnable ou dissipatif mais impactant sur les finances individuelles…

    A quand des ratios de kW.h par Surface habitée et nombre de résidents d’un logement !? Pas facile à mettre oeuvre, mais potentiellement efficace et surtout équitable… (Idem sur le Gaz domestique, voir le fioul domestique…).

    Répondre
  • Ce serait bien de mandater les Facs de Sociologie (qui regorgent de monde) pour faire des études de cas de la population française, le tout en co-activité avec des élèves ingénieurs pour garder/rester dans les clous au niveau périmètre technique. Cela permettrait de mieux cerner ce qui pourrait faire changer les usages et habitudes…

    Nota : Pour la petite histoire, un élu de mon cru en balançant sur la place publique que pour avoir moins d’impôts locaux, il fallait, entre autre, moins de déchets ménagers et plus de Tris et de compostage. Résultat : moins de déchets et un petit allègement du poste « ordures ménagères » avec une aire de tri de la communauté de communes qui marche bien (et est profitable sur certaines bennes – par réversion d’une partie des « gains » venant de ces bennes par des opérateurs privés)…
    L’Aspect financier bien expliqué est parfois plus efficace que le reste… (L’enfer est pavé de bonnes intentions comme disent certains…).
    La consommation des ENRi (et notamment de l’éolien qui arrive sans harmonique sur le réseau pour produire de l’électricité sans harmonique non plus) va aussi nécessiter des efforts donc des « bonus » pour les consommateurs… (attendre le pic de la dépression pour la machine à laver le linge et autre pratiques à développer…).

    Les données d’entrée sont très nombreuses et diverses pour plus de sobriété mais aussi une « meilleure » sobriété et qu’elle soit heureuse si possible au plus grand nombre…

    Répondre
  • Si cela doit passer par la loi, cela s’appelle des restrictions ou de la rigueur, et ce ne sera pas heureux pour tout le monde. Et cela aura des conséquences aux prochaines élections législatives ou présidentielles.

    Répondre
  • Bonjour,
    Pour écrire ces lignes:
    « …les contraintes sur le rythme de déploiement des énergies renouvelables limitent notre capacité de production d’énergie décarbonée. »
    il faut oublier que les renouvelables (éolien et solaires) sont intermittents. La nuit par vent nul il n’y a quasiment plus de production. Il faut alors du pilotable pour couvrir la demande trop souvent par du fossile.
    Le stockage d’énergie électrique est très loin d’être à la hauteur des besoins.

    Répondre
    • Eh oui Stoclin, il faut vraiment décider que le renouvelable pilotable n’existe pas (en effet, ça arrange les nucléophiles) pour décider que les seules alternatives sont le fossile ou/et le stockage qiui n’existerait pas.
      C’est glabalement oublié que le nucléaire lui ne fournit même pas la moitié de nos besoins en hiver 40 GW pour un besoin de 80 (et encore les a t -il regagné que très recemment et en plus il ne fait pas tres froid) et que ce qui fournit l’autre moitié c’est le renouvelable que l’on empeche en plus de s’implenter, l’hydraulique ! surtout lui qui est un renouvelable, le fossile et tout y passe charbon, pétrole, gaz, et l’importation depuis ces salauds d’allemands, d’espagnols et même d’anglais.
      Mais les renouvelables, quand il n’y aura pas de vent nulle part en France la nuit (c’est-à-dire quand on n’a pas besoin d’électricité ou presque) c’est à dire 1 jour tous les 4 ans……. et bien on aura l’hydraulique, la géothermie, la bioénergie, les énergies marines dont l’ensemble permettrait de fournir l’électricité 4 mois par an rien qu’avec ces ressources si le besoins s’imposaient ! Mais quand on a décidé bêtement dans son coin que tout ça n’éxistait pas on sort ce genre d’ânerie !
      Les renouvelables on infinimlent moins besoin des fossiles que lke nucléaire !

      Répondre
      • Tiens le « Père Vert » écervelé fait de belles remarques absurdes avec des calculs de coin de table tordues !!!

        L’éolien a été calamiteux en face des Pics de consommation électrique cet Hiver et le foisonnement qui est de plus en plus mesurable pour la France existe, certes, mais à un niveau très « Sobre » et faible… Heureusement que le Gaz Fossile et le Lignite allemand étaient là (Hélas quand même…).

        Répondre
      • @Rochain
        Que de mauvaise foi. Il n’y a que cet hiver précisément que le nucléaire a eu un passage à vide. Les renouvelables se sont pas montrées très productrices au moment où nous en avions besoin (pics de consommations à plus de 80 GW).
        Il existe un renouvelable pilotable majeur qui est l’hydraulique, et personne ici ne le contestera. Pourquoi affirmer le contraire ?
        Les autres renouvelables pilotables sont assez dérisoires face à la demande.
        L’Allemagne aussi essaye de les développer, mais cela semble aussi tellement dérisoire pour pallier les insuffisances des autres sources que le charbon, là-bas, sera encore prédominant pour longtemps. https://app.electricitymaps.com/map

        Répondre
      • @ Rochain : Quel tonus pour raconter n’importe quoi !
        J’attends toujours votre répartition en TWh annuelle du renouvelable sous ses différentes versions pour alimenter la France en 1630 TWh annuels . Du pipot Rochain … marchand de vent, de rayons solaires… Vous serez responsable de la panne électrique à venir de la France … des hôpitaux sans électricité, vous êtes conscient : c’est la mort !
        Un universitaire … profond dans le sens de creux …
         » Le petit coudre  » … à l’intello bidon Rochain …

        Répondre
      • @ Rochain : citer les Allemands comme exemplaire ! Les éoliennes terrestres, je les ai vues entre Hanovre et Berlin … quel paysage … et les écolos qui aiment la nature … foutu ! Dingue …
        Et la complémentarité avec le gaz de Poutine quand il n’y a pas de vent ! Aujourd’hui la lignite …
        La démonstration est faite, l’éolien terrestre n’est pas la solution …
        Sauf pour le borné Rochain …

        Répondre
        • Ne vous fatiguez plus coudre, vous faites desormais partie des petits cons dont je ne lis même plus les messages….zapp et durect poubelle

          Répondre
          • @Rochain … KO la baudruche intello … Ne sait pas avancer un seul chiffre en TWh renouvelables, en TWh nucléaires pour produire la consommation France 1630 TWh / An .
            Il ne s’agit pas d’être contre le Renouvelable , il suffit en regardant les chiffres de constater que cela n’assure pas l’énergie électrique nécessaire et que le nucléaire est indispensable . Les Allemands paient les conséquences de l’idéologie moulins à vent : Electricité à la lignite et GES accrus… Borné ces écolos primaires rochaineux …qui ne connaissent pas l’arithmétique …Anti vrais écolos …
            JC

  • Bonjour,
    Le prix progressif du kWh en fonction de la consommation ne va pas inciter à poser une pompe à chaleur…
    Mon expérience:
    2020 gaz plus électricité : 22 791 kWh consommés (dont élec 2 946 kWh)
    2021 pose de la pompe à chaleur
    2022 électricité 7 890 kWh consommés
    soit presque 3 fois moins

    Répondre
    • @ Stoclin Comme depuis que vous avez mis des pompes à chaleur vous consommez trois fois moins.
      Le prix progressif (qui n’a rien à vois avec ce qui précede) ne va pas inciter à mettre des pompe à chaleur ??? comprenne qui pourra !!

      Sans doute faut-il en conclure que si le prix progressif (de l’électricité je suppose) est une tendance à l’augmentation cela implique que le prix du gaz n’augmente pas , ou quelque chose d’autre d’aussi tordu ? Par exemple que le prix progressif veut dire qu’il est multiplié par plus de trois sur l’électricité (et que celui du gaz ne change pas) ce qui fait que même en consommant trois fois moins ce ne vaudra plus la peine, autant rester au gaz ?
      Tout ça c’est du « raisonnement » (?) à la Stoclin ??????????????????????

      Répondre
      • @ »Père Vert » Serge,

        Stoclin a raison dans son raisonnement basé sur le périmètre électricité.
        Si la majoration est uniquement sur l’électricité aucune chance de progrès notable.

        A noter qu’il serait intéressant de savoir comment les Allemands vont faire pour limiter/arrêter le chauffage au Gaz chez eux !??? Vu que par Grands froids leur ENRi c’est spuvent proche de % de la capacité installée donc moins de % de la production actuelle !!! Si ils passent aux pompes à chaleur, il leur faudra encore plus de pilotable thermique pour les périodes e Grand Froid… (Le Lignite a de l’avenir en Allemagne…)

        Répondre
    • @Stoclin,

      En raisonnant que sur l’électricité vous avez raison !
      On peut noter que les augmentations de l’électricité supérieures à l’inflation depuis plus de 10 ans sont une cause du non-déploiement face au Gaz qui resta bas durant 10 ans (et la RT2012 a aussi favorisé le Gaz !!! Grand Hélas). Si la consommation de l’électricité avait fortement augmenté depuis 10 ans, le peu de crédibilité des plans à base d’ENRi se serait envolé…

      Si vous raisonnez en Quantité Globale d’énergie par logement (Elec, Gaz, Fioul) alors la majoration du prix de l’énergie avec une consommation forte est à l’avantage de l’électricité…

      Nota : Il restera le problème des pics de production éolienne qu’il faudra « absorber » et ce de plus en plus (sachant que ces pics sont majoritairement en période « douce » par rapport aux « normales » saisonnières) : Le stockage de chaleur y compris avec des pompes à chaleur et des ballons additionnels pourrait être une part de la solution (certes il faudra payer le cout d’installation supplémentaire ! mais au moins ce ne sera pas du Gaz importé, juste de la main d’oeuvre française et si tout va bien des cuves tampon usinées en France – on peut rêver…)

      Répondre
commenter

Répondre à Stoclin Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

on en parle !
Partenaires
20 nov 2015
Les principales causes de mortalité dans le monde : mise en perspective
20 nov 2015
Les principales causes de mortalité dans le monde : mise en perspective
20 nov 2015
Les principales causes de mortalité dans le monde : mise en perspective
20 nov 2015
Les principales causes de mortalité dans le monde : mise en perspective
20 nov 2015
Les principales causes de mortalité dans le monde : mise en perspective
20 nov 2015
Les principales causes de mortalité dans le monde : mise en perspective
20 nov 2015
Les principales causes de mortalité dans le monde : mise en perspective
20 nov 2015
Les principales causes de mortalité dans le monde : mise en perspective
20 nov 2015
Les principales causes de mortalité dans le monde : mise en perspective
20 nov 2015
Les principales causes de mortalité dans le monde : mise en perspective
20 nov 2015
Les principales causes de mortalité dans le monde : mise en perspective
20 nov 2015
Les principales causes de mortalité dans le monde : mise en perspective