Existe-t-il encore un avenir pour l’OPEP ?
Un article du site Fournisseur énergie
A l’heure où l’Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole (OPEP) ne représente plus que 35% de la production mondiale de pétrole, que les deux premiers producteurs sont maintenant les États-Unis et la Russie, que le Qatar annonce son retrait, on peut se demander si cette organisation a encore aujourd’hui un rôle à jouer.
En effet l’OPEP ne fait plus la pluie et le beau temps sur le cours du baril de pétrole comme il pouvait le faire il y a une vingtaine d’années.
Ce cartel autrefois tout-puissant peut-il survivre à l’ouverture à la concurrence du marché du pétrole ? L’OPEP a-t-elle un avenir ?
Pourquoi l’OPEP ?
L’Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole est une organisation créée par plusieurs pays (à l’initiative du Venezuela et de l’Arabie Saoudite) en 1960 pour négocier avec les sociétés pétrolières la production de pétrole, son prix et les futurs droits de concession.
(A l’origine, l’OPEP ne comprenait que 5 pays : l’Arabie Saoudite, l’Iran, le Koweït, l’Irak et le Venezuela et produisait à eux 5, 82% du pétrole mondial. Ils sont aujourd’hui 14 et produisent 35% du pétrole mondial)
Concrètement ces pays veulent s’entendre pour ajuster l’offre à la demande et contrôler les prix de ventes. En effet le prix du baril de pétrole avant les années 1970 oscillait entre 1 et 3 $ alors qu’il est à 60 $ aujourd’hui. Les pays fondateurs de l’OPEP créent ainsi un cartel pour contrôler les prix en produisant plus ou moins de pétrole.
L’OPEP cherche à réguler la production et le prix par un effort coordonné des pays membres, notamment en instaurant un système de quotas de production. Ils se mettent d’accord sur la quantité exportée, ce qui influence le prix du marché.
L’OPEP est notamment à l’origine du 1er choc pétrolier en 1971 à la suite de la Guerre du Kippour où l’organisation a établi des sanctions contre les Etats-Unis, provoquant une hausse majeure des prix du pétrole.
Une hégémonie remise en question
Nous sommes en 2019 et la scène pétrolière a bien changé depuis la création de l’organisation.
Les États-Unis deviennent le premier pays producteur au monde grâce à son pétrole de schiste, la Russie est sur la deuxième marche du podium et l’Arabie saoudite, à la tête de l’OPEP, a clairement perdu de sa superbe avec les tensions au Moyen-Orient et récemment, l’affaire Jamal Khashoggi, ce journaliste saoudien assassiné dans sa propre ambassade à Istanbul en octobre 2018.
Et si l’OPEP représente toujours entre 33 et 40% de la production pétrolière mondiale, le départ du Qatar annoncé début décembre 2018 est-il le signal que les intérêts économiques communs des États membres n’arrivent plus à leur faire oublier leurs divergences politiques ?
Face à cette surproduction de pétrole dans le monde, il aurait suffi à une époque à l’OPEP de fermer ses vannes pour réduire l’offre et faire remonter les prix.
Mais ce temps est révolu. En voyant sa part dans la production mondiale diminuer, l’OPEP a perdu de son influence sur le marché. l’organisation a dû élargir sa sphère d’influence en passant des accords avec d’autres pays, 10 en tout, incluant la Russie.
Classement des plus importants producteurs de pétrole dans le monde (en million de barils par jour) :
- Etats-Unis : 11,9
- Russie : 10,7
- Arabie Saoudite : 10,5
- Canada : 4,9
- Irak : 4,6
- Chine : 3,8
- Iran : 3,4
- Emirats Arabes Unis : 3
- Koweït : 2,7
- Brésil : 2,5
Cette stratégie a fonctionné le temps d’un instant. Fin 2018, Vladimir Poutine déclarait même publiquement qu’un baril à 60 dollars lui convenait bien. « C’est assez visiblement pour couvrir les coûts de production russes et dégager des bénéfices intéressants ».
Mais réduire la production pour faire monter les prix correspond à une diminution des exportations, ce qui est préjudiciable à de nombreux pays de l’OPEP extrêmement dépendants des exportations de pétrole.
Une dissolution est-elle possible ?
L’OPEP a connu bien d’autres périodes de prix bas sans exploser pour autant, la dislocation de l’OPEP est plutôt provoquée par les fortes dissensions entre les pays chiites et les sunnites et par la récente alliance russo-saoudienne.
L’organisation est de plus en plus paralysée en raison des divergences politiques entre ses membres.
Lorsqu’il fallait s’opposer à l’Occident, les pays parvenaient à surpasser leurs différends pour faire monter les prix ; mais aujourd’hui, dans un marché très fragmenté, les producteurs sont de moins en moins disposés à se serrer les coudes. L’augmentation du nombre des membres n’a fait qu’accentuer cette difficulté.
Cependant, nous assistons à une guerre du pétrole. L’Arabie Saoudite ne veut pas couper sa production pour ne pas perdre de parts de marché face au pétrole de schiste américain, affaiblissant ainsi les autres pays. La stratégie saoudienne va à l’encontre des intérêts des autres acteurs.
En plus, cette baisse est moins douloureuse pour l’Arabie Saoudite puisque le pétrole saoudien est rentable à partir de 20 dollars le baril même si cette baisse creuse le déficit budgétaire saoudien.
Mais cette stratégie rend la vie impossible aux pays concurrents comme le Venezuela, l’Algérie ou le Nigeria.
Ce sont des pays dont environ 90% de leurs exportations sont des hydrocarbures.
Le pétrole pour ces pays n’est rentable qu’à partir de 80$ le baril. Les intérêts des membres ne coïncident plus : les trois pays de l’OPEP capables de pomper davantage de brut (Arabie Saoudite, Iran, Irak) tolèrent plus facilement un fléchissement des prix du pétrole après tout, il leur suffit d’extraire plus de brut pour combler le manque à gagner.
Ces pays sont conscients de la volonté de certains états à passer à des énergies décarbonées. Ils sont donc conscients que des prix du pétrole bas devraient retarder le processus de transition énergétique.
Les onze autres membres de l’OPEP voient les choses différemment. Augmenter les quotas ne leur rapporterait rien : des prix plus bas ne feraient que réduire leurs revenus tandis que l’Arabie Saoudite et ses alliés engrangeraient les bénéfices d’une production accrue.
Les réunions de l’OPEP à Vienne aboutissent de plus en plus difficilement à des accords et les divergences politiques et économiques deviennent trop marqués.
A l’instar du Qatar qui a pris la décision de quitter l’OPEP début 2019, d’autres pourraient suivre.
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Selon le professeur et spécialiste du pétrole Jean-Pierre Favennec, la plupart des autres pays producteurs ont besoin d’un baril à 70, 80, 90 dollars pour équilibrer leur budget. Ils ne peuvent pas durablement faire face à un prix du pétrole trop bas. Un baril à 60 dollars, comme c’était le cas fin décembre, n’est pas suffisant.