Les deux jambes de la neutralité climatique

Eclairage signé Christian de Perthuis, professeur d’université

Le blog de Christian de Perthuis, c’est ici : https://christiandeperthuis.fr/blog/

L’objectif de neutralité climatique nous oblige à marcher sur deux jambes : la transition énergétique pour le carbone fossile, la transition agroécologique pour le carbone vivant.

Les conclusions du récent rapport conjoint du GIEC et de l’IPBES montrant qu’on ne peut combattre le réchauffement de la planète sans s’occuper de la biodiversité (et vice versa).

La neutralité carbone dans les scénarios du GIEC

Dans le rapport « Global Warming of 1,5°C » publié en 2019, le GIEC a répertorié les scénarios compatibles avec un réchauffement planétaire limité à 1,5°C. Sa première conclusion est qu’il faut viser la neutralité climatique globale dès 2050, soit vingt ans plus tôt que pour viser une cible de 2°C.

Un grand nombre de scénarios sont envisageables pour viser la neutralité en 2050. Le GIEC les a divisés en quatre familles type, schématiquement représentées sur le graphique.

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  • Le scénario P1 implique une réduction de 58 % des émissions de CO2 et de 24 % de celles de méthane d’origine agricole entre 1990 et 2030. Grâce à cette baisse très rapide, la neutralité climatique est atteinte en 2050 sans déploiement de nouvelles techniques de captage ;
  • Les scénarios P2 et P3 réduisent moins fortement les émissions de CO2 d’ici 2030. Il est alors nécessaire de déployer ces techniques de captage de CO2 qui s’appliquent à des sources fossiles mais aussi à de la bioénergie (surfaces en jaune) pour absorber le trop plein de gaz à effet de serre rejeté en début de période.in de CO2 dans l’atmosphère (émissions « négatives ») ;
  • Le scénario P4 réduit plus lentement des émissions de CO2 en début de période, ce qui implique le déploiement à grande échelle de ces techniques pour compenser le dépassement du budget carbone global compatible avec une cible de 1,5°C.

L’une des grandes inconnues des scénarios P2 à P4 concerne le potentiel de bioénergie qu’on peut utiliser sans affaiblir la capacité du milieu naturel à absorber le CO2 : par exemple en étendant les surfaces dédiées à la bioénergie au détriment du couvert forestier.

Implications pour l’action climatique : « marcher sur deux jambes »

Les scénarios visant un monde ZEN convergent sur un point : pour viser la neutralité climatique, il ne suffit pas d’accélérer la transition énergétique pour abattre le plus de CO2 possible.

Il convient de simultanément opérer la transition agroécologique, la deuxième jambe de l’action qui vise deux objectifs : la réduction des émissions de méthane et de protoxyde d’azote de l’agriculture ; le renforcement de la capacité du milieu naturel, notamment les forêts et les sols agricoles, à absorber le CO2 présent dans l’atmosphère.

Une autre façon de le dire est qu’il faut agir sur deux fronts : celui du « carbone mort« , une matière autrefois vivante qui a été transformée dans le sous-sol en énergie fossile durant des millions d’années (et plus !) par l’action du milieu naturel ; celui du « carbone vivant« , issu de la photosynthèse, qui transforme le CO2 de l’atmosphère en matières vivantes, le premier maillon de la chaine du vivant et de ses innombrables interactions constituant la biodiversité.

En reposant sur ses deux jambes, l’action climatique agit ainsi simultanément en faveur du climat et de la biodiversité.

commentaires

COMMENTAIRES

  • Toujours bon à rappeler, la production d’électricité (seule) ne compte que pour 20,4% des gaz à effet de serre (données IEA 2017 et 2019).

    Pour ce qui est la capture du carbone pour son stockage souterrain ou son utilisation, ce ne sera jamais qu’un cautère sur une jambe de bois. Malgré tous les financements consacrés à ce sujet, les réalisations pratiques à l’échelle industrielle ne courent pas les rues depuis plus de dix ans. De beaux discours, de rares exemples montés en épingle et de bien faible envergure, surtout des échecs pour les projets à grande échelle.

    Le projet Boundary Dam au Saskatchewan (Canada) est boiteux (ne marche que sur une jambe) et est un échec industriel et financier. Le rendement du captage est médiocre, les quantités de CO2 à injecter dans le champs de pétrole de Weyburn au Dakota du Nord (Etats-Unis) ne sont pas au rendez-vous et cela a conduit à un procès contre le producteur défaillant de CO2.

    Le projet Kemper au Mississipi (Etats-Unis) a été un échec complet, abandonné en 2017 après sept ans de travaux. Coût financier excessif malgré de très fortes subventions, absence de rentabilité financière, faible captage de CO2 du procédé (65%) trop forte consommation d’énergie. Le CO2 devait permettre d’augmenter la production d’un champ de pétrole.

    Dans un cas où le captage et l’utilisation du CO2 a abouti, avec de fortes subventions, à Petra Nova au Texas, c’est pour injecter le CO2 dans un puits de pétrole afin d’en augmenter la production (et produire plus de CO2 ensuite).

    Mais l’industrie pétrolière dispose d’une autre solution depuis plus de trente ans : des gisements de CO2 naturel, comme à Bravo Dome, McElmo Dome … dont le CO2 est transporté par pipeline jusqu’aux champs pétroliers pour augmenter la récupération du pétrole (EOR : Enhanced Oil Recovery).

    Enfin, le captage à lui seul du CO2 entraîne une augmentation de la consommation d’énergie de 20% à 40% selon le combustible et la technologie utilisée (donc plus de CO2 à capter).

    Alors que les nouvelles centrales éoliennes et solaires ont déjà un coût de production de l’électricité inférieur à celui des centrales à charbon dans la plupart des pays, la forte augmentation des coûts de production avec le CCS ou CCUS (capture CO2) rend l’éventualité du CCS irréaliste.

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  • Encore fraudraient-elles (centrales éoliennes et solaires) qu’elles produisent. Elles sont à l’arrêt la majorité du temps et le prix de gros en pâtissent et sont alors très majorés.

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  • La principale cause de la perte de biodiversité, c’est la surpopulation humaine qui entraîne la déforestation et l’épuisement des nappes phréatiques.

    La pression humaine sur l’environnement se manifeste d’abord par le remplacement des forêts primaires et des zones humides (tourbières) par des cultures pour nourrir une population en expansion. Cela se fait soit de façon directe (cultures vivrières locales, bois pour la cuisson), soit de façon indirecte : cultures d’exportation (café, cacao, bois « exotique » …), ces dernières pour ensuite importer de la nourriture (blé …).

    En seulement soixante-dix ans, la population mondiale a été multipliée par plus de trois, de 2,54 à 7,79 milliards d’habitants. En Afrique, la population a été multipliée par 5,9 en passant de 228 M. hab. à 1.341 M. hab. Dans les pays concernés par la forêt intertropicale, la population a été multipliée par quatre à huit selon les pays.

    L’élevage du bétail pour nourrir une population mondiale croissante entraîne la déforestation pour l’extension des pâturages et la production de soja et aussi l’accroissement des émissions de méthane provenant du cycle digestif des ruminants. Méthane provenant par ailleurs des rizières asiatiques.

    Entre autres effets, l’épuisement des nappes phréatiques entraîne la subsidence de grandes villes ou régions, comme c’est le cas pour Djakarta (Indonésie) qui s’enfonce (c’est la terre qui descend et pas la mer qui monte) ou le Bangladesh, pays reposant sur des alluvions qui se tassent.

    Au Yemen, où la population a été multipliée par plus de six, le niveau de la nappe phréatique baisse de plusieurs mètres par an malgré les pluies abondantes sur les massifs montagneux.

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  • serait-il possible d’avoir une explication sur cette phrase ; « le renforcement de la capacité du milieu naturel, notamment les forêts et les sols agricoles, à absorber le CO2 présent dans l’atmosphère. »
    membre actif d’un groupe de « coquelicots » sur les alpes maritimes, je me suis toujours demandé en quoi l’arrêt (ou diminution ) de l’usage des pesticides pouvait avoir des conséquences positives à propos du réchauffement climatique

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  • on sait maintenant que le taux de CO2 dans l’atmosphère a des cycles de 60 ans et ce depuis des millions d’années !
    Les émissions de Co2 posent effectivement de graves problèmes de pollution en ville (trop de CO2 = pas assez d’oxygène) mais en aucun cas de climat !
    Dans les rapports du GIEC il est clairement établi que le principal gaz à effet de serre c’est la vapeur d’eau (60% des effets), Les scientifiques du GIEC n’ont jamais parlé de la vapeur d’eau parce qu’ils sont persuadés que les activités humaines n’ont pas d’impact sur le taux de vapeur d’eau de l’atmosphère, erreur fatale puisque c’est la dé-végétalisation des sols (déforestation) qui coupe le cycle de l’eau sur les continents au moment où on en a le plus besoin : l’été.

    Pour retrouver un climat océanique sur toute la planète il faut que les continents soient des océans de verdures l’été. Le climat océanique est caractérisé par la faible amplitude thermique entre le jour et la nuit liée à la présence d’eau, le climat continental est au contraire caractérisé par une forte amplitude thermique lié à l’absence d’eau et donc de végétation.

    https://www.mediaterre.org/actu,20210106085019,1.html

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  • Marguerite est dans l’idéologie écologiste la plus totale et la plus malthusienne (et la plus antihumaniste). Sa solution ? Peut-être effacer du globe la majorité de la population humaine (espèce nuisible) comme le préconisait le Commandant Cousteau ?

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  • La déforestation pourrait être une cause plus importantes que les émissions de CO2 et autres gaz à effet de serre

    Les arbres des forêts sont capables d’aller puiser l’eau très en profondeur, ce qui leur permet de résister aux sècheresses, à condition que l’eau souterraine, celle des nappes phréatiques, soit toujours présente.

    Les nappes phréatiques peuvent s’étendre sur des centaines de kilomètres. En Californie par exemple, le pompage de quantité immenses d’eau pour alimenter la population des villes et surtout l’agriculture irriguée entraîne une baisse des nappes phréatiques jusque sous les forêts les plus éloignées des plaines.

    A un point tel que les arbres qui dans le passé pouvaient survivre aux pires sécheresses se dessèchent aujourd’hui et sont victime d’incendies. Une autre cause des incendies est la disparition de la pratique de petits incendies locaux, préventifs et maîtrisés, qui empêchait le développement de grands incendies.

    Au sud de la France, la disparition du pastoralisme forestier, qui éliminait la végétation des sous-bois, a aussi contribué à l’augmentation des incendies.

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