Allemagne

Allemagne : le pari risqué du gaz pour tourner la page du charbon

Engagée à fermer ses centrales à charbon d’ici 2038, l’Allemagne se tourne vers le gaz pour sécuriser son approvisionnement électrique en période de creux des énergies renouvelables. Une stratégie qui soulève de nombreuses interrogations, entre dépendance énergétique, objectifs climatiques et tensions européennes.

Une transition énergétique sous contrainte

L’Allemagne aime se présenter comme l’avant-garde de la transition énergétique en Europe. Mais derrière l’image de championne du solaire et de l’éolien, le pays demeure dépendant des énergies fossiles. En 2024, le charbon représentait encore 22,5 % de la production électrique nationale, malgré la multiplication des fermetures de centrales ces dernières années.

Pour respecter son engagement de sortir totalement du charbon d’ici 2038, Berlin doit accélérer. Le gouvernement de Katherina Reiche, ministre de l’Économie et de l’Énergie, a choisi de compenser cette sortie progressive en s’appuyant sur le gaz. Un pari pragmatique mais controversé, tant l’empreinte carbone et la dépendance aux importations inquiètent experts et observateurs.

Le gaz, une énergie de transition… vraiment ?

Dans le discours officiel, le gaz naturel est présenté comme une énergie de transition : moins polluante que le charbon, plus flexible que le nucléaire (abandonné par l’Allemagne en 2023), et compatible avec l’intégration massive des renouvelables.

Les centrales à gaz ont un atout majeur : leur réactivité. Elles peuvent être mises en route rapidement pour compenser les variations de production éolienne et solaire. Or, dans un pays où le vent et le soleil ne suffisent pas toujours à couvrir la demande, cette flexibilité est cruciale.

Mais les chiffres rappellent une réalité : le gaz émet tout de même du CO2. Certes, une centrale à gaz rejette environ deux fois moins d’émissions qu’une centrale à charbon, mais cela reste incompatible avec les objectifs de neutralité carbone à l’horizon 2050. Pour de nombreux experts, investir aujourd’hui massivement dans le gaz revient à retarder la sortie des fossiles.

Une dépendance énergétique encore fragile

Au-delà de l’enjeu climatique, c’est la question de la dépendance qui préoccupe. La guerre en Ukraine a mis en lumière la fragilité de l’approvisionnement énergétique européen, largement dépendant des importations russes avant 2022.

Depuis, l’Allemagne a multiplié les alternatives : construction de terminaux méthaniers pour accueillir du GNL (gaz naturel liquéfié) en provenance des États-Unis ou du Qatar, négociations avec la Norvège, diversification des contrats. Mais ces solutions coûtent cher et rendent l’approvisionnement plus complexe.

En se tournant massivement vers le gaz, Berlin prend donc un risque stratégique. « On remplace une dépendance par une autre », résume un analyste du secteur énergétique. Là où le charbon pouvait être extrait localement, le gaz reste largement importé, avec des prix volatils et une concurrence mondiale accrue.

Les critiques des ONG et des partenaires européens

La stratégie allemande n’échappe pas aux critiques. Les ONG environnementales dénoncent une « fuite en avant » qui fragilise les engagements climatiques européens. Greenpeace, par exemple, estime que « chaque euro investi dans une centrale à gaz est un euro de moins pour les renouvelables et le stockage ».

Certains partenaires européens s’inquiètent également. En choisissant d’investir dans le gaz plutôt que dans le nucléaire, Berlin s’éloigne de la trajectoire choisie par la France, la Finlande ou la Pologne, qui misent sur l’atome pour assurer une électricité décarbonée et stable. Cette divergence pourrait peser dans les négociations climatiques et dans la définition des futurs objectifs européens.

Le défi des renouvelables et du stockage

Pourtant, le gouvernement allemand ne renonce pas aux énergies vertes. L’éolien et le solaire continuent de progresser rapidement. Le pays reste le leader européen en termes de capacités installées, et les investissements dans l’hydrogène vert se multiplient.

Mais le problème réside dans le stockage. Aujourd’hui, les batteries et les infrastructures de gestion du réseau ne permettent pas encore de compenser durablement l’intermittence des renouvelables. Le gaz apparaît donc comme une solution temporaire, en attendant que ces technologies atteignent une maturité suffisante.

Certains experts estiment néanmoins que Berlin aurait intérêt à investir plus massivement dans le stockage d’électricité, plutôt que dans de nouvelles centrales à gaz qui pourraient devenir des « actifs échoués » d’ici une ou deux décennies.

Une équation encore incertaine

Le dilemme allemand illustre la difficulté de concilier trois impératifs : garantir la sécurité énergétique, respecter les engagements climatiques et limiter la dépendance extérieure. Pour Katherina Reiche, la priorité est claire : éviter à tout prix une crise énergétique comme celle de 2022. Mais ce choix pourrait ralentir la transition vers une économie bas carbone et nourrir les critiques à l’échelle européenne.

L’Allemagne a réussi par le passé à transformer son modèle industriel et énergétique à marche forcée. Reste à savoir si son pari sur le gaz lui permettra réellement de tourner la page du charbon, ou s’il prolongera artificiellement l’âge des fossiles.

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