« Les élus sont les hussards de la transition écologique »

A quelques semaines des élections municipales, les Assises européennes de la Transition énergétique, qui se tenaient à Bordeaux du 28 au 30 janvier, proposaient de nombreuses tables rondes autour du thème “Ensemble, cultivons le pouvoir d’agir”. L’occasion de donner la parole à Fabrice Boissier, directeur général délégué de l’ADEME.

À quoi sert le guide sorti par l’Ademe à destination des candidats aux municipales ?

Notre conviction est que le mandat qui s’ouvre sera le mandat crucial en termes de transition écologique. C’est la « dernière ligne droite » pour atteindre les objectifs 2030. Après, il sera trop tard. Si dans les territoires la démarche de transition écologique n’a pas été enclenchée maintenant dès 2020, on ne saura pas remplir les objectifs nationaux et européens en matière d’efficacité énergétique, d’énergies renouvelables, d’économie circulaire qui s’appuient fortement sur les territoires.

C’est essentiel que l’ensemble des candidats puissent s’emparer de ces sujets et on s’est dit qu’on allait leur faciliter la vie en leur mettant à disposition des « recettes » qui ont fait leurs preuves dans les territoires.

Ce guide a été conçu comme un kit d’actions qui seront à la main des collectivités et des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). Il ne s’agit pas aujourd’hui pour un candidat de verdir son programme en mettant 2 ou 3 mesures cosmétiques, mais au contraire de structurer tout son programme municipal en tenant compte des enjeux de transition, que ce soit sur les économies d’énergie et les énergies renouvelables, l’économie circulaire, l’adaptation au changement climatique, la mobilité du quotidien…

Il y a de vraies attentes des citoyens et ils sont maintenant très sensibilisés à ces questions sur des sujets aussi diversifiés que la nourriture bio dans les cantines, les conséquences des canicules, la maîtrise des factures énergétiques par la rénovation des bâtiments mais aussi par la chaleur ou l’électricité renouvelables.

Tout ceci nécessite d’avoir une approche globale, et pas seulement quelques mesures éparses. D’où l’idée de proposer aux candidats des fiches très simples pour qu’ils prennent conscience des enjeux, des leviers qu’ils ont pour agir, avec quelques exemples de collectivités qui se sont déjà engagées pour leur montrer qu’il ne s’agit pas d’innover, d’inventer, mais simplement de reproduire les choses qui marchent ailleurs. Les 20 fiches montrent que cette transition écologique se joue tout azimut.

Si je vous entends bien, les maires et les présidents de communautés d’agglomération sont les têtes de proue de la transition écologique…

Oui. Le président de l’Ademe a utilisé l’expression « Les élus sont les hussards de la transition écologique ». C’est vrai que, contrairement au modèle du 20ème siècle où on avait l’habitude de voir les politiques de transformation du pays pilotées par le gouvernement et mises en application ensuite à tous les échelons.

Aujourd’hui la logique, à la fois des lois de décentralisation et de la transition écologique, qui revient à « reterritorialiser » les choix en matière d’énergie, d’économie circulaire, de production agricole, ou encore de transports du quotidien, montre que nous ne sommes plus dans un Etat jacobin qui va tout organiser.

Les solutions doivent être inventées sur les territoires pour être adaptées à des problématiques qui peuvent être diverses. C’est évident que les synergies qui vont se trouver dans un territoire rural ne sont pas les mêmes que dans un territoire urbain, périurbain ou dans une commune touristique.

Il faut absolument que les élus construisent le plan qui sera adapté à leur territoire, et ce, avec les acteurs de ce territoire.

Comment développer les énergies renouvelables dans les territoires quand on sait que l’argent est le nerf de la guerre ?

Il y a différents leviers d’action. En premier lieu, comment une collectivité peut mieux maîtriser sa facture d’énergie qui peut être conséquente pour ces équipements ? La rénovation est un vrai levier.

Il faut agir sur la performance énergétique du patrimoine bâti (écoles, bâtiments communaux, collèges…).

Développer les énergies renouvelables est un second levier pour avoir une énergie propre à un coût maîtrisé. La collectivité peut solliciter différents moyens de financement publics. Il y a le fonds chaleur de l’ADEME, qui soutient les projets de chaleur renouvelable. Il y a aussi des dispositifs du côté de la Banque des territoires, créée par la Caisse des Dépôts, qui mobilise 3 milliards d’euros de financement pour la rénovation des bâtiments publics.

Les collectivités ont des marges de manœuvre, souvent au niveau de l’EPCI, par exemple avec la mise en place d’un réseau de chaleur, qui peut également être soutenu par le fonds chaleur pour offrir l’opportunité à ses citoyens de se chauffer aux énergies renouvelables à un coût maîtrisé. Ces réseaux desservent tout type de bâtiment, des logements, souvent des logements sociaux, des bureaux, des hôpitaux, des équipements de loisirs ou encore des bâtiments administratifs.

Elle peut choisir de faire cet investissement en régie si elle a les moyens ou les compétences, ou de passer par une délégation de service public qui permet à un opérateur privé de faire les investissements. A chaque fois, la solution doit être adaptée à la situation du territoire.

Développer les énergies renouvelables, plutôt électriques, c’est aussi proposer aux citoyens d’être acteurs de la transition écologique. Dans les projets d’énergie renouvelable participatifs, l’enjeu n’est pas forcément que la commune investisse elle-même, mais qu’elle pose les conditions favorables pour pouvoir faire émerger des projets.

Et nous constatons que ces projets, avec une intervention en capital de citoyens, de la collectivité, par exemple via une société d’économie mixte, et d’un acteur industriel sont très efficaces pour construire un projet qui s’intègre dans le territoire, et que celui-ci bénéficie des retombées économiques.

L’ensemble du territoire, collectivement, entame une réflexion en disant « Moi, ce que j’ai envie de voir ce sont panneaux photovoltaïques, sur les toits, ou pourquoi pas sur une friche… Nous dirigeons-nous sur des bâtiments privés ou bâtiments publics ? Est-ce que je veux un parc éolien ? Comment cela peut s’intégrer dans le paysage de ma commune ? » Toutes ces questions qui se posent à partir des problématiques du territoire permettent de faire émerger des projets qui peuvent se financer avec les différents acteurs.

Il y a aussi le système d’accompagnement de l’Etat avec les tarifs d’achat, avec la prime apportée sur des projets participatifs qui permet de trouver des solutions de financement. Une association comme Énergie partagée accompagne ce genre de dynamique.

L’ADEME a d’ailleurs financé dans chaque région des animateurs pour développer les projets citoyens. Ça se développe, parce que les citoyens y voient un intérêt, les collectivités aussi.

Une étude montre que 1 euro investi par les citoyens dans un projet d’énergies renouvelables citoyenne, génère 2 euros et demi de retombées économiques sur le territoire.

La lutte contre la précarité énergétique est l’une des clés de la réussite de cette transition énergétique. Les Français modestes ont-ils vraiment les moyens de sortir de cette précarité énergétique ?

Vous avez raison de souligner que la précarité énergétique est un enjeu clé. Il n’y aura pas de transition si on n’arrive pas à embarquer tout le monde. La question doit se traiter d’abord au niveau des logements en permettant aux habitants d’avoir des logements rénovés, ce qui est le premier facteur pour faire baisser la facture.

Le gouvernement a renforcé le dispositif de soutien à la rénovation avec Ma Prim’Renov opérée par l’Anah, en faveur des ménages les plus précaires. Ensuite, il y a le chèque énergie qui permet aux personnes en précarité de payer leurs factures, mais qui peut aussi être utilisé pour des projets de rénovation.

On peut évoquer également les coups de pouce comme les « chaudières à 1 euro » pour que ceux qui se chauffent au fioul, souvent dans des territoires ruraux, dans de grandes maisons mal isolées, puissent aller vers un mode de chauffage plus performant

Pour la collectivité, mettre en place des réseaux de chaleur est un bon levier pour faire baisser la facture des ménages.

Enfin, un dernier levier est de redistribuer les bénéfices des économies financières réalisées sur d’autres projets de transition

Quand vous avez une école, si vous choisissez de mettre en place un plan de lutte contre le gaspillage alimentaire, les chiffres qu’on observe, c’est que vous faites jusqu’à 20% d’économies sur le coût des fournitures de la cantine.

La collectivité peut décider de réinvestir les euros économisés dans les produits achetés, et par exemple passer au bio local, ou de faire baisser les factures, donc augmenter le pouvoir d’achat des ménages.

Enfin, il ne faut pas oublier qu’un des facteurs de précarité énergétique important, c’est les transports. Et donc, là aussi, les collectivités ont les moyens d’accompagner les ménages les plus fragiles sur des questions de mobilité inclusive.

Comment pouvons-nous apporter ce service de mobilité aux personnes qui sont isolées dans les territoires ruraux ? Nous avons accompagné plus de 50 collectivités pour faire ce genre de choses sur des mobilités innovantes dans les territoires peu denses.

On a constaté qu’il y avait une grande capacité d’imagination de ces collectivités pour trouver des solutions avec des leviers aussi divers que des vélos électriques, des possibilités du covoiturage, ou l’utilisation du numérique pour mettre en relation des personnes et faire des échanges de services de covoiturage.

 

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