Linky : Enedis sanctionne désormais les réfractaires
À partir du 1er août 2025, Enedis met fin à la tolérance. Les clients qui refusent encore l’installation du compteur Linky devront désormais payer pour leur résistance. Le gestionnaire du réseau électrique entend faire supporter à ces usagers le surcoût généré par le maintien d’un système de relève obsolète. Une nouvelle ligne de facturation fera donc son apparition sur les factures d’électricité de 1,7 million de clients, soit moins de 5 % des foyers français.
Ces clients verront s’ajouter 7,78 euros TTC (6,48 euros HT) tous les deux mois au titre de la « relève payante ». Et ce n’est pas tout : ceux qui refusent aussi de communiquer leur consommation devront régler une majoration de 4,97 euros TTC, soit 12,75 euros TTC bimestriels pour rester en marge du dispositif Linky. Un montant qui s’ajoute à la hausse récente des tarifs d’électricité et qui pourrait peser lourd pour certains ménages.
Une facturation justifiée par Enedis
Enedis justifie cette décision en invoquant des coûts logistiques et techniques importants. « Ces montants reflètent les coûts réels supportés pour organiser des relèves manuelles, assurer un contrôle de la consommation et maintenir une infrastructure adaptée aux anciens compteurs », a expliqué l’entreprise dans un communiqué officiel publié mercredi.
Jusqu’à présent, seuls les clients non équipés de Linky et inactifs depuis plus d’un an en matière d’auto-relevé étaient facturés : 10,20 euros HT tous les deux mois. Désormais, la mesure est généralisée à tous les foyers qui n’ont pas encore franchi le pas, qu’ils soient partiellement coopératifs ou totalement opposés au dispositif.
Le compteur Linky, au cœur d’un débat toujours sensible
Installé dans 38 millions de foyers français, le compteur Linky reste l’un des objets technologiques les plus polémiques de ces dernières années. Ce boîtier vert, censé moderniser la gestion de l’électricité, permet à Enedis de recevoir des données toutes les quatre minutes, offrant une lecture précise et à distance de la consommation. Pour le gestionnaire, il s’agit d’un outil indispensable à la transition énergétique, capable de faciliter le pilotage du réseau et la maîtrise des usages.
Mais pour une minorité d’usagers, Linky incarne surtout l’intrusion, la surveillance et le gaspillage public. Si certains invoquent des raisons de santé ou de sécurité, d’autres dénoncent une gestion jugée autoritaire du déploiement. Pourtant, le projet découle d’une directive européenne de 2009, et la France a pris du retard sur d’autres pays membres dans l’adoption de ces compteurs communicants.
Une campagne d’information en amont
Face à la perspective d’une facturation systématique, Enedis n’est pas resté inactif. Depuis mars 2025, une vaste campagne d’information a été lancée à destination des usagers concernés. Le gestionnaire affirme avoir enregistré plus de 100 000 demandes de pose de compteurs Linky sur cette période, signe d’un réveil progressif des clients réfractaires.
L’ensemble du dispositif s’inscrit dans le cadre du Turpe (Tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité), une redevance réglementée qui finance le fonctionnement des gestionnaires de réseau. Le montant des frais peut évoluer en fonction des ajustements tarifaires décidés par la Commission de régulation de l’énergie (CRE), précise Enedis.
Une pression financière assumée
À travers cette décision, Enedis ne s’en cache plus : la pression financière est devenue l’outil principal pour accélérer l’adhésion au programme Linky. La logique est simple : à défaut d’avoir réussi à convaincre l’ensemble des usagers, on les incitera par la contrainte économique. L’argument de la justice tarifaire est aussi mis en avant : pourquoi faire supporter à l’ensemble des abonnés le coût lié au refus d’une minorité ?
Reste que cette évolution risque d’alimenter de nouvelles polémiques sociales et juridiques. Plusieurs collectifs opposés au Linky dénoncent déjà des « frais illégitimes », et certains envisagent de saisir les juridictions administratives.
Une transition inévitable ?
Le bras de fer entre Enedis et les opposants à Linky entre ainsi dans une nouvelle phase. Après des années d’incitation, l’heure est à la sanction pécuniaire. Pour les réfractaires, la décision d’Enedis s’apparente à une punition déguisée. Pour le gestionnaire, il s’agit simplement de mettre fin à une exception coûteuse et injustifiée, dans un contexte de modernisation du réseau électrique.
À moyen terme, le maintien des anciens compteurs pourrait devenir techniquement impossible. Et à ce rythme, c’est peut-être la disparition complète des anciens modèles qui est déjà en marche.