« L’hydroélectricité va jouer un rôle majeur dans l’avenir »

Aujourd’hui, direction la région Auvergne Rhône Alpes pour parler hydroélectricité avec Roland Vidil, président d’Hydro 21. L’association située à Grenoble regroupe une soixantaine d’acteurs (sociétés d’ingénierie, grands groupes, PME, chercheurs…) adhérents de la région Auvergne Rhône Alpes. Interview.

Quand on parle énergies renouvelables, on pense d’abord éolien et solaire. Pourquoi l’hydroélectricité est-elle peu présente dans le débat ?

L’hydroélectricité est une filière, il est vrai, un peu oubliée face aux nouvelles énergies renouvelables que sont notamment le solaire et l’éolien. Un peu oubliée car ces dernières sont naturellement à la mode face à l’hydroélectricité qui possède une longue histoire en France !

Mais il est vrai aussi, c’est bien connu, que les gens heureux n’ont pas d’histoire à raconter !

Blague mise à part, on ne parle pas beaucoup de l’hydroélectricité sauf quand le ministère de la Transition écologique ou l’Ademe comptent la part des énergies renouvelables dans le mix électrique. Et quand on fait les comptes, chose assez méconnue, c’est bien l’hydroélectricité qui se taille la part du lion. Et ce pour encore quelque temps. 13 à 14% du mix énergétique français provient en effet de notre filière.

Cela représente au total 55% des énergies renouvelables. Le fait de ne pas être dans les débats pose un problème. Il est indéniable que la nouveauté idéalisée séduit plus que l’existant. Nous avons une image de technologie mature et ancienne alors qu’il y a beaucoup d’innovations dans l’hydroélectricité.

Une chose est sûre : nous estimons être au carrefour de trois enjeux majeurs. D’abord l’enjeu énergétique avec le développement des énergies renouvelables, ensuite l’enjeu économique avec notamment la réindustrialisation et la place de l’hydroélectricité dans le mix énergétique, et enfin l’enjeu territorial.

Quels sont les atouts de l’hydroélectricité française et de quel potentiel bénéficie-t-elle en termes d’alimentation ?

Quand on évoque les majors dans le domaine du solaire photovoltaïque on pense aux Chinois, dans le domaine de l’éolien on pense à des grands groupes d’Europe du Nord et pour l’hydroélectricité, on pense à la région Auvergne Rhône Alpes avec tout son potentiel.

Ne perdons pas de vue qu’à l’échelle de l’Union européenne, nous sommes leaders en terme d’équipements hydroélectriques (NDLR : la Norvège, qui est hors UE, est en tête en Europe).

énergie renouvelable

Notre conviction est que l’hydroélectricité va jouer un rôle majeur dans l’avenir en accompagnant le développement des autres énergies renouvelables intermittentes car elle a trois qualités essentielles, outre qu’elle soit décarbonée : c’est une énergie pilotable pour moitié, flexible (on peut passer d’un régime à un autre en quelques minutes) et elle est stockable à travers des barrages et des Stations de Transfert d’Énergie par Pompage (STEP).

Ces trois atouts vont renforcer le potentiel de l’hydroélectricité, notamment à travers la petite hydro, le marché du stockage, les nouvelles technologies comme les hydroliennes et la réhabilitation d’équipements. Un exemple : la réhabilitation de la centrale iséroise de Romanche-Gavet où cinq anciens barrages ont été récemment remplacés par un nouveau barrage et une nouvelle centrale, plus performante (+40% de production sur le même tronçon de rivière).

Il faut enfin noter qu’au niveau du potentiel international, l’Agence internationale de l’énergie prévoit le développement de 530 GW d’hydroélectricité à l’horizon 2040. J’estime que la région Auvergne Rhône Alpes possède une vraie carte à jouer dans le domaine de l’export dans ce marché colossal face aux Chinois et les Américains.

L’intermittence de l’éolien et des panneaux photovoltaïques est souvent pointée du doigt, qu’en est-il du réseau hydroélectrique ?

C’est une question centrale sur laquelle nous avons beaucoup travaillé. A la différence du solaire ou de l’éolien, il est vrai que la production hydroélectrique a des temporalités longues avec les saisons et des possibilités de réserves avec le stockage dans les barrages.

La question est de savoir comment demain, avec le nouveau mix électrique, à savoir 50% de nucléaire, 50% de renouvelables, on va pouvoir gérer le réseau et assurer un fonctionnement sûr ?

Car la production sera tantôt excédentaire, et par conséquent il faudra stocker la production, et tantôt déficitaire et du coup il faudra déstocker ou faire appel à des moyens pilotables. C’est le défi des vingt prochaines années. La question pour nous est de ne pas opposer les énergies renouvelables mais au contraire il faut trouver des combinaisons entre le pilotable et l’intermittent. C’est la raison pour laquelle nous devons travailler main dans la main entre filières.

Comment pallier la production hydroélectrique en cas de sécheresse et de nappes d’eau basses ?

On peut considérer que la moyenne du débit d’un fleuve est quasi le même toute l’année, même si l’écart type entre les hautes eaux et les basses eaux sera de plus en plus important. Le cycle de l’eau, qui est un cycle fermé, ne changera pas.

Le député Arnaud Viala a récemment souligné à l’Assemblée que l’hydroélectricité « concourait à l’essor de nos territoires ». Qu’en est-il réellement ?

Je confirme ces propos. L’hydroélectricité (25GW en Auvergne Rhône Alpes) est une source d’énergie complètement intégrée aux différents territoires. Elle permet de développer des activités autour, via les multiples usages de l’eau, du tourisme, du sport et des loisirs. Elle permet aussi l’irrigation pour les cultures.

L’emploi et la dynamique des territoires sont directement impactés.

De quel œil voyez-vous l’ouverture à la concurrence demandée par la Commission européenne ? 

Je n’ai pas l’habitude d’aller sur le terrain politique, mais je dirais qu’il faut faire comprendre à certains que l’électricité n’est pas un produit comme une boîte de sardines. Le dogme du pilotage par le marché a des limites.

La crise du coronavirus a mis en lumière la vulnérabilité économique et   sociétale qu’engendre une mondialisation non maîtrisée. Ce qui vaut  pour le matériel sanitaire vaut aussi pour les équipements électriques,   dont ceux de l’hydroélectricité. J’ajouterais que l’hydroélectricité est une bien précieux et que nous devons en garder la maîtrise.

 

 


A lire : Tribune d’Hydro 21, rédigée par un Comité d’experts scientifiques d’HYDRO 21 en mai dernier : Tribune Hydro 21- 30 mai 2020

 

 

 

 

énergie renouvelable

commentaires

COMMENTAIRES

  • Merçi pour cet excellent article
    La production d’électricité DOIT ETRE ASSERVIE A LA CONSOMMATION ET NON LE CONTRAIRE
    Il en a toujours été ainsi avant un certain fanatisme pseudoécologique!
    Il en sera toujours ainsi.
    Les « smart grids »? un enfumage politique pour faire tendance!
    Les choses sont simples: il faut du décarboné et seuls hydraulique et nucléaire sont PILOTABLES
    L’éolien et le solaire aléatoires demandent un stockage en batterie, passage par le courant continu et des onduleurs, , ce qui est coûteux, polluant à fabriquer et à démanteler
    Les déchets de batterie seront BEAUCOUP PLUS VOLUMINEUX que les déchets nucléaires
    Qu’en fera-ton? Batteries des voitures, batteries des réseaux électriques?
    La planète? une poubelle de batteries?
    Pierre JUGUET
    Ancien réalisateur de Dispatchings Nationaux et Régionaux

    Répondre
  • Quand les politiques vont-ils comprendre que les éoliennes sont un mirage en matière d’énergie produite (8000 machines : 6 % de notre électricité ! )mais une catastrophe paysagère , donc pour le tourisme naturaliste ou culturel.

    Répondre
    • Et tombe même, chez nous, jusqu’à à 2 % (de notre mix électrique) comme ces jours-ci ! En Allemagne actuellement 5 % de leur mix.

      Répondre
  • Pingback:Novembre 2020
  • Je pense qu’il nous faudrait expliquer ce qu’est la loi d’Ohm, une fois cette loi bien comprise nous pourrions avoir une discussion sérieuse avec nos concitoyens sur le sujet, parler des différentes sources d »énergies, leur production, des gaz à effet de serre que sais-je encore.

    Répondre
    • Bon courage!
      Vous avez un vaste gisement devant vous.
      98% des politiques et des journalistes confondent MW et MWH, KW et KWH, i-e puissance installée et ENERGIE PRODUITE
      Le facteur de charge (temps de production réelle) de l’éolien et du solaire est catastrophique!
      MAIS….MAIS …le coût d’investissement dépend de la puissance!!!!
      Alors l’électricité augmente…augmente…et de plus en plus de français n’arrivent pas à payer leurs factures, surtout avec la pandémie actuelle qui diminue les revenus!
      Quand vous ferez votre cours « Electricité pour les nuls », commencez par les ministres successifs de la transition énergétique!
      Regardez sur Internet la formation de Madame POMPILI. N’oubliez pas Nicolas HULOT, COHN BENDIT
      (lui il a abandonné l’électricité pour la balistique, lancement du pavé en 1968)
      Messieurs AMPERE, LAPLACE,….Ils doivent se demander si ils votent bien écologistes!!!!
      N’hésitez pas à faire vos cours à BRUXELLES, Commission Européenne

      Répondre
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