Livret A : une partie de l’épargne des Français bientôt mobilisée pour financer le nucléaire ?

C’est un tournant historique pour l’épargne populaire française. La Caisse des dépôts et consignations (CDC) a confirmé qu’une partie des fonds issus du Livret A pourrait être utilisée pour financer la construction des nouveaux réacteurs nucléaires EPR. Une orientation inédite, qui symbolise le rapprochement entre la finance publique, la stratégie industrielle et la souveraineté énergétique nationale.

Un accord inédit entre l’État, EDF et la Caisse des dépôts

Traditionnellement, l’argent du Livret A est destiné à soutenir le logement social et les infrastructures publiques locales. Mais jeudi 10 octobre, le directeur général de la CDC, Olivier Sichel, a annoncé une évolution majeure : « On s’est mis d’accord avec Bercy et EDF sur le recours au Fonds d’épargne. » Cette déclaration, faite devant l’Association des journalistes économiques et financiers, marque la première confirmation officielle de l’implication du Livret A dans le financement du programme nucléaire français.

Ce virage, à la fois énergétique et financier, s’inscrit dans la volonté du gouvernement de relancer le nucléaire civil. L’État prévoit la construction de six nouveaux réacteurs de type EPR à l’horizon 2038, pour un coût global estimé à moins de 100 milliards d’euros, selon les estimations de l’ancien ministre de l’Énergie Marc Ferracci.

Une étape cruciale : l’accord de Bruxelles

Avant que l’opération ne devienne réalité, une étape clé reste à franchir : celle de l’approbation européenne. « L’État français va présenter sa copie à Bruxelles pour obtenir l’accord sur la maquette financière globale », a précisé Olivier Sichel. L’enjeu est juridique autant que politique : la Commission européenne devra vérifier que ce schéma de financement ne contrevient pas aux règles de concurrence ou d’aides d’État.

L’accord de Bruxelles permettra de sécuriser le recours à une partie du Fonds d’épargne, alimenté par l’épargne des Français, tout en garantissant que les placements restent sûrs et rémunérateurs pour les déposants.

Un trésor de 400 milliards d’euros à la disposition de la nation

La Caisse des dépôts gère aujourd’hui environ 400 milliards d’euros d’épargne réglementée, collectée notamment via le Livret A, le Livret de développement durable et solidaire (LDDS) et le Livret d’épargne populaire (LEP). Un peu plus de la moitié de ces fonds est déjà affectée à des prêts à long terme pour financer le logement social ou les politiques territoriales.

Le reste, placé dans des actifs financiers, pourrait désormais contribuer au financement des infrastructures énergétiques du pays, dont les nouveaux réacteurs nucléaires. « Le nucléaire fait partie évidemment de notre souveraineté énergétique », a justifié Olivier Sichel, ajoutant que cette orientation vise à renforcer la capacité de la France à produire une électricité décarbonée et stable.

Cette annonce intervient alors que le gouvernement cherche à diversifier les sources de financement d’un programme nucléaire évalué à des montants colossaux, dans un contexte budgétaire contraint et de forte tension sur les marchés de l’énergie.

Le symbole d’un nouveau pacte entre épargne et souveraineté

L’utilisation du Livret A pour financer le nucléaire constitue un symbole fort. Longtemps perçu comme un outil de solidarité — permettant aux Français d’épargner tout en finançant le logement social —, il devient un levier de souveraineté industrielle et énergétique.

Ce rapprochement entre l’épargne populaire et la stratégie énergétique de l’État s’inscrit dans une logique de long terme : les sommes mobilisées seraient investies sur plusieurs décennies, avec la promesse d’un rendement stable, soutenu par des projets considérés comme stratégiques.

Mais cette évolution suscite déjà des interrogations. Certains acteurs du logement social redoutent que cette réorientation ne réduise les fonds disponibles pour leurs projets. D’autres y voient au contraire une nouvelle manière de mobiliser l’épargne nationale au service d’un secteur industriel jugé vital pour la transition énergétique.

Une Caisse des dépôts solide, mais vigilante

Interrogé sur les risques financiers, Olivier Sichel a également mis en garde contre les tensions qui menacent les marchés mondiaux, notamment dans le secteur technologique. « Les investissements colossaux dans l’intelligence artificielle créent un parallèle avec la bulle internet de la fin des années 1990 », a-t-il prévenu, appelant à la prudence.

Malgré ce climat d’incertitude, la Caisse des dépôts affiche une situation financière robuste. Son bénéfice net devrait atteindre 5 milliards d’euros en 2025, selon son directeur général. Une solidité qui lui permet d’assumer de nouveaux engagements de long terme, comme le financement du nucléaire, sans compromettre ses missions historiques.

Un tournant majeur pour la politique d’investissement publique

En liant l’épargne populaire à la stratégie énergétique du pays, l’État et la Caisse des dépôts redéfinissent le rôle du Livret A dans l’économie française. Ce placement, détenu par plus de 55 millions de Français, devient non seulement un outil de financement social, mais aussi un pilier de la relance industrielle et énergétique.

Si Bruxelles donne son feu vert, la France inaugurera une nouvelle ère : celle où chaque euro placé sur un Livret A pourrait, indirectement, contribuer à alimenter les futurs réacteurs nucléaires de la nation. Une manière, pour les épargnants, de participer — sans le savoir — à la reconstruction du modèle énergétique français.

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