Les éoliennes : entre soutien d’hier et rejet d’aujourd’hui
Les vents ont tourné chez Les Républicains. Alors que le parti de droite soutenait activement les projets de développement des éoliennes il y a une quinzaine d’années, le discours a aujourd’hui radicalement changé. En témoigne une tribune parue le 3 juillet 2025 dans Le Figaro, signée par Bruno Retailleau, François-Xavier Bellamy et Julien Aubert, appelant à mettre fin aux subventions publiques destinées aux énergies renouvelables, notamment éoliennes et photovoltaïques. Un appel qui marque un net revirement idéologique, et souligne la complexité de la position actuelle du parti.
Car ce que les ténors des Républicains dénoncent aujourd’hui est aussi l’héritage de leur propre formation politique. Plusieurs parcs éoliens actuellement en cours d’installation ont été initiés lorsque la droite était au pouvoir, notamment sous Nicolas Sarkozy, président de 2007 à 2012. À l’époque, le parti, alors appelé UMP, affichait une ouverture prudente mais réelle à l’écologie, portée par un souci croissant de moderniser son image et de répondre à l’urgence climatique.
Une tradition écologique oubliée
Pour Daniel Boy, directeur de recherche émérite au Centre de recherches politiques de Sciences Po, cette ambivalence n’est pas nouvelle : « La droite a eu la tentation d’avoir un programme écologique assez ambitieux. » Il rappelle les initiatives marquantes de Jacques Chirac, notamment la Charte de l’environnement de 2005, intégrée à la Constitution, et son célèbre discours à Johannesburg en 2002 : « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs. » Des mots forts, qui résonnaient alors comme un appel à l’action, même pour un camp souvent perçu comme plus conservateur sur les questions environnementales.
Dans les années 2010, des figures locales comme Bruno Retailleau, alors président du conseil général de la Vendée, soutenaient publiquement des projets de parcs éoliens offshore, comme celui prévu entre l’île d’Yeu et Noirmoutier. Ces positions semblent aujourd’hui bien lointaines.
Un virage motivé par l’opinion publique ?
Le recul actuel pourrait s’expliquer par une évolution du discours électoral, notamment face à une frange conservatrice de plus en plus opposée à l’implantation des éoliennes. Nuisances visuelles, atteinte aux paysages, rejet du « tout-renouvelable »… autant de critiques récurrentes dans certaines zones rurales, où Les Républicains cherchent à consolider leur base électorale. La montée de l’écoscepticisme de droite semble aussi influencer la posture du parti, au moment où l’écologie devient une ligne de fracture politique de plus en plus nette.
Par ailleurs, dans un contexte de crispation budgétaire, les subventions aux énergies renouvelables sont parfois perçues comme des dépenses excessives ou inefficaces. La droite républicaine en fait désormais un cheval de bataille, plaidant pour une transition énergétique davantage axée sur le nucléaire, pilier historique de l’indépendance énergétique française.
Des contradictions exposées
Ce durcissement idéologique n’est cependant pas sans contradictions. En appelant à l’arrêt des subventions tout en héritant de projets déjà lancés, Les Républicains se retrouvent dans une position inconfortable. D’un côté, ils critiquent une politique dont ils sont partiellement responsables ; de l’autre, ils peinent à proposer une alternative claire face à l’urgence climatique. Le flou de leur position pourrait aussi fragiliser leur crédibilité sur les questions environnementales, alors même que les attentes des électeurs évoluent.
Certains, même au sein du parti, s’interrogent sur le sens de cette stratégie. L’écologie, loin d’être un sujet secondaire, s’impose de plus en plus comme un enjeu central du débat public, et la radicalisation de la position anti-éoliennes pourrait renvoyer l’image d’un repli, voire d’un refus de s’adapter.
Une ligne à redéfinir
Les Républicains font donc face à une équation délicate : se démarquer de la gauche et des écologistes tout en ne reniant pas complètement leur propre passé. Si certains cadres du parti misent sur une approche technologique et centralisée de la transition (par le nucléaire notamment), d’autres plaident pour une reconnexion au terrain sans tomber dans le rejet systématique des solutions renouvelables.
Reste à voir si ce revirement sur les éoliennes n’est qu’un positionnement conjoncturel, dicté par l’agenda électoral, ou s’il s’agit d’un changement plus profond, durable et assumé. À quelques mois d’échéances électorales importantes, la question de la ligne écologique des Républicains pourrait bien devenir un marqueur politique décisif.