Transition énergétique : l'Académie des sciences appelle à plus de réalisme

Passé relativement inaperçu lors de sa publication au mois de janvier dernier, l’avis rendu par l’Académie des sciences sur le projet de loi de transition énergétique et les objectifs de la France en matière de consommation énergétique et de réduction des émissions de gaz à effet de serre, tempère l’enthousiasme du gouvernement au sujet de la future loi de programmation. L’Académie prévient en effet le gouvernement sur la difficulté que la France aura à tenir les délais consacrés,  et suggère d’éviter en ce sens toutes annonces purement politiciennes ayant pour seul but de satisfaire les exigences environnementales et climatiques internationales. D’autant plus, rappelle l’Académie des sciences, que la France possède une avance certaine en matière de décarbonisation de l’énergie, et n’aurait donc pas besoin de précipiter les choses. 

Selon ce projet de loi, dont l’adoption au mois de juin prochain ne fait plus aucun doute, la France compte diviser par deux la demande globale d’énergie d’ici 2050, réduire de 40 % en 2030 les émissions de gaz à effet de serre (par rapport au niveau de 1990), et porter la part des énergies renouvelables à 23 % de la consommation finale d’énergie en 2020 puis à 32 % en 2030. Des objectifs louables au regard de l’urgence de la lutte contre le changement climatique mais qui paraissent toutefois quelque peu présomptueux en l’état actuel des connaissances.

De nombreuses interrogations demeurent en effet pour l’Académie des sciences qui doute de ce fait de la réalisation possible de ces objectifs dans les délais impartis : « A-t-on déjà les solutions pour réaliser ces transformations ? Quels sont les obstacles à surmonter pour faire face à une croissance rapide des renouvelables intermittents (éolien et solaire), régler les problèmes posés par leur intégration dans le réseau et compenser leur variabilité ? Connaît-on l’impact sur le système électrique dans son ensemble d’une part de l’électricité d’origine nucléaire ramenée de 75% à 50% en seulement 10 ans ? Que peut-on espérer en termes d’efficacité énergétique, et dans quels domaines ? » s’interroge l’Académie.

L’Académie prévient ainsi des risques et des difficultés « à vouloir atteindre trop vite certains objectifs » en rappelant que la bonne position de la France en matière d’émission de CO2 (la France émet deux fois de CO2 que l’Allemagne et trois fois moins que les Etats-Unis par exemple) lui permet aujourd’hui d’entamer des transformations progressives et non dans l’urgence.

Elle précise également les dangers qu’impliquerait une diminution trop rapide de la part de l’énergie nucléaire alors même que les technologies actuelles ne permettent toujours pas de régler les problèmes de stockage et d’intermittence des énergies renouvelables (solaire et éolienne). Nécessitant un recours à des énergies fossiles pour compenser les sources éolienne et photovoltaïque, « une réduction accélérée du nucléaire pourrait conduire à une augmentation paradoxale des émissions de gaz à effet de serre, dégradant ainsi la position favorable en matière d’émission de CO2, de coût pour l’usager et de compétitivité industrielle« .

Enfin, l’Académie soutient les ambitions du gouvernement en matière de mobilité électrique et d’efficacité énergétique des bâtiments mais rappelle que les objectifs de développement des voitures électriques et l’adaptation progressive du parc immobilier public et privé, nécessiteront un important dispositif d’aides au financement.

Crédits photo : Académie des Sciences

commentaires

COMMENTAIRES

  • Il serait bon que l’Académie prenne en compte toutes les données du sujet et, en l’occurrence, ne s’autorise pas à ignorer des données importantes: l’urgence climatique et la compétition industrielle ouverte sur les moyens futurs de production d’énergie.

    Répondre
  • Toute ces affirmations, paradoxalement (car elles sont produites par des experts les plus compétents) ne sont que du bon sens.
    Les raisons qui conduisent le gouvernement à vouloir fermer des centrales nucléaires et à se lancer à grands frais dans des énergies dites « renouvelables » mais météo-dépendantes, ne découlent pas d’une logique technique mais de considérations purement électoralistes (s’assurer le soutien d’EELV), doublées de démagogie pour faire croire à des « énergies gratuites » et à l’intérêt de diviser par deux notre consommation d’électricité, alors que c’est la forme la plus noble des énergies.
    Insidieusement, cette démagogie s’est imposée à de nombreux médias, ignares ou simplement désireux de plaire au pouvoir en place, qui ont relayé sans analyse l’idéologie Verte. Et a commencé à contaminer le grand public, en l’absence d’une information contradictoire, celle des scientifiques et économistes qui tirent le signal d’alarme depuis des années. Pourtant l’exemple négatif de l’Allemagne devrait inciter à réfléchir : les tenants de la sortie du nuclé

    Répondre
    • (suite)
      les tenants de la sortie forcée du nucléaire ont totalement passé sous silence les inconvénients majeurs de la démarche allemande, pourtant dénoncés par leur vice-chancelier social démocrate Sigmar Gabriel. La politique allemande a conduit à gaspiller en pure perte des centaines de milliards d’euros (heureusement que ce pays a un économie solide), a rencontrer des problèmes d’instabilité de réseau dues à l’intermittence du solaire et de l’éolien qui ne tarderont pas à produire un black-out retentissant, mais aussi un accroissement des rejets de GES du au recours croissant au charbon et au gaz pour compenser l’absence de vent ou de soleil.
      En France, pourtant nettement en retrait par rapport à nos amis allemands, qui sait que nous sommes taxés « à l’insu de notre plein gré » pour financer éolien et solaire ? Et que cela se traduit par une taxe de +15% (la CSPE) sur toutes les factures EDF ?
      Et que tous les techniciens, scientifiques et experts du domaine technique, font l’objet d’une mise à l’écart ? Y compris au sein du PS, où des spécialistes des questions énergétiques comme Christian Bataille n’ont plus le droit de s’exprimer ? A sa place a été désigné François Brottes, qui n’a aucune formation technique et n’est qu’un journaliste qui s’est converti à la politique ?
      Quand une société rejette ses savants, c’est le début du déclin… Remarquons que ce n’est pas le cas ni aux USA ni en Chine, où seul le pragmatisme s’impose. Et que par hasard ces deux pays vont prochainement (si l’Europe ne réagit pas rapidement) dominer le monde. Je prends le pari que dans une ou deux générations, nous achèterons des centrales nucléaires aux Chinois, qui se seront appropriés depuis longtemps notre technologie.

      Répondre
  • La transition énergétique passe entre autres par une meilleure économie des consommations actuelles. De grandes avancées sont en particulier possibles pour les entreprises, via un monitoring et un management adéquats.

    Répondre
commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

on en parle !
Partenaires
20 nov 2015
Les principales causes de mortalité dans le monde : mise en perspective
20 nov 2015
Les principales causes de mortalité dans le monde : mise en perspective
20 nov 2015
Les principales causes de mortalité dans le monde : mise en perspective
20 nov 2015
Les principales causes de mortalité dans le monde : mise en perspective
20 nov 2015
Les principales causes de mortalité dans le monde : mise en perspective
20 nov 2015
Les principales causes de mortalité dans le monde : mise en perspective
20 nov 2015
Les principales causes de mortalité dans le monde : mise en perspective
20 nov 2015
Les principales causes de mortalité dans le monde : mise en perspective
20 nov 2015
Les principales causes de mortalité dans le monde : mise en perspective
20 nov 2015
Les principales causes de mortalité dans le monde : mise en perspective
20 nov 2015
Les principales causes de mortalité dans le monde : mise en perspective
20 nov 2015
Les principales causes de mortalité dans le monde : mise en perspective