Présidentielles 2017 : la politique énergétique fait-elle gagner ?

Les étudiants du Master 2 Affaires publiques de Paris Dauphine organisaient, le 17 mars, une table ronde sur la question : Présidentielles 2017 : la politique énergétique fait-elle gagner ? Pour en débattre, Matthieu Auzanneau – directeur du Think Tank The ShiftProject, Arnaud Gossement – avocat associé et Professeur à l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne, Jean-Marie Chevalier du Centre Géopolitique de l’Energie et des Matières Premières et Professeur de Sciences économiques à l’Université Paris-Dauphine, Valérie Faudon – Professeur à l’IEP de Paris et déléguée générale de la SFEN et Anne Bringault, coordinatrice sur la transition énergétique pour les ONG CLER, Réseau pour la transition énergétique, ont échangé pendant plus de deux heures. Olivier Durin, directeur de publication du site « Le Monde de l’énergie » a modéré et animé le débat.

Petit retour sur une table ronde riche d’enseignements…

Les principaux événements énergétiques du quinquennat de François Hollande

Pour Anne Bringault, l’accord de Paris sur le climat (signé fin 2015), qui n’est pas respecté, présente un enjeu fort : il faut sortir des fossiles avant 2050. Au niveau européen, cela n’est pas enthousiasmant avec le non respect des objectifs fixés. Le Winter package ne contient pas d’objectifs obligatoires et de nombreux freins se dessinent. En revanche, selon elle, sur les territoires, les choses changent, avec des politiques ambitieuses : certaines villes/collectivités visent le 100% renouvelables.

La loi sur la transition énergétique, selon Anne Bringault, n’offre pas les outils nécessaires afin de répondre aux objectifs. Les ONG attendent un suivi annuel, avec des indicateurs (par an, par secteur d’activité, afin d’adapter les mesures pour atteindre les objectifs). Pour Jean-Marie Chevalier, cette loi renforce le pouvoir territorial, et les territoires sont responsabilisés (ex : plans régionaux énergie/climat). L’universitaire précise qu’elle introduit une « horizontalité » qui incorpore à l’énergie les problèmes liés au transport, au logement etc. Selon lui, les candidats doivent s’inscrire plus volontairement dans l’accord de Paris.

La politique énergétique proposée par les candidats à la présidentielle

Anne Bringault rappelle d’abord que l’énergie en tant que telle n’est pas un sujet très important mais ses usages, oui : l’emploi (transition professionnelle à gérer), le pouvoir d’achat (coût de l’énergie), le logement, la santé etc. Elle revient sur un reportage réalisé chez des personnes habitant près d’une centrale nucléaire : cette question n’est pas un critère de choix pour l’élection présidentielle ; ce qui intéresse avant tout c’est l’emploi.

Valérie Faudon, rejoint les propos d’Anne Bringault : les études d’opinion confirment que l’énergie n’est pas un sujet décisif, par contre son prix l’est. Pour la secrétaire générale de la SFEN, tous les candidats ont un volet « nucléaire » dans leurs programmes mais ils parlent moins de la réduction de l’émission des gaz à effet de serre ou du mix énergétique : le débat politique n’est pas placé où il devrait être. Elle pointe également du doigte le manque de d’ambition industrielle française.

Jean-Marie Chevalier, de son côté, note une sorte de contradiction : les Français sont très encrés «énergie / environnement», notamment en raison des accords signés, qui sensibilisent les citoyens sur cette question mais cette préoccupation n’intéresse pas beaucoup les candidats, qui se concentrent plutôt sur les usages (la question de l’emploi) et n’ont qu’une vision très générale.

Arnaud Gossement, lui, se veut optimiste : les candidats sont entourés d’experts et le volet énergie ne cesse de s’étoffer au cours des semaines. L’avocat note un consensus dégagé de la loi sur la transition énergétique malgré des nuances, notamment sur la place du nucléaire, les économies énergétiques… Il ajoute que l’Europe est la grande oubliée, alors que les questions s’y décident : aucune analyse du Winter Package et de la position de la France dans le cadre de cette négociation. Il y a, selon lui, un manque de précision des candidats.

Jean-Marie Chevalier, ajoute que la complexité de la question énergétique au niveau européen est réelle, d’où la difficulté des candidats à se positionner sur ces questions (marché de l’électricité) et d’avoir une opinion tranchée et détaillée en dehors des grandes orientations.

Pour Matthieu Auzanneau, plus pessimiste, aucun candidat n’a dimensionné son programme à la mesure de l’accord de Paris (sortir des énergies fossiles). Selon le journaliste, l’Accord de Paris est laissé de côté, personne n’est dans les clous concernant la politique énergétique européenne (notamment Allemagne). Pour lui, l’Europe doit ouvrir la voie à l’économie post-carbone. La France a le devoir moral d’inventer l’économie post-carbone.

La question de l’autoconsommation : les nouvelles règles vont-elles révolutionner la façon dont on consomme ?

Pour Arnaud Gossement, la loi pour la transition énergétique a permis un apaisement sur la question du nucléaire et le soutien des aides d’Etat. Selon le spécialiste du droit environnemental, la loi de février 2017 est fondamentale : elle offre un cadre juridique pour l’autoconsommation ; et annonce une nouvelle façon de concevoir et de consommer l’énergie. Au niveau des territoires, Arnaud Gossement estime que la révolution de l’énergie sera menée par les citoyens.

Quelle politique nucléaire ?

Pour Valérie Faudon, il y a un consensus sur la diversification de l’énergie, mais pas de consensus sur le rythme de diversification de l’énergie (mix énergétique) ; à quel rythme allons-nous ? Pour la responsable de la SFEN, il n faut pas aller trop vite, mais avoir une politique volontariste. Au sujet de la centrale nucléaire de Fessenheim : aucun concensus. Projet coûteux, beaucoup d’emplois (5000) en dépendent, centrale sûre (inspectée par l’autorité de sécurité nucléaire)… Elle pose une question : par quoi sera remplacé Fessenheim ?

Anne Bringault, de son côté, rappelle qu’en France la consommation d’électricité n’augmente plus, RTE prévoit même une baisse (en raison d’une plus grande performance des appareils…). Elle estime que la question des centrales nucléaires se trouve dans une impasse : aucune visibilité aux acteurs (salariés…) sur le nombre de fermetures, quand etc. On peine à mettre des plans de transition professionnelle au niveau des bassins d’emplois en place. On se retrouve sur des situations de blocage. Enfin, elle affirme que les prix du solaire en France sont deux fois moins chers que ceux du nucléaire.

Pour Matthieu Auzanneau, quand on parle du prix du solaire, il faut aussi penser à la disponibilité de l’énergie (10/12%), au-delà de la capacité d’installation.

Jean-Marie Chevalier rappelle ensuite que deux candidats sont pro-nucléaire : madame Le Pen et monsieur Fillon. Les autres candidats désirent en sortir, de façon plus ou moins rapide. Le professeur s’interroge sur la gestion du parc français : incertitudes sur les technologies qui remplaceront le nucléaire.

Arnaud Gossement revient, lui, sur le cadre juridique du nucléaire avec le décret du 11 novembre 1963 – qui explique la politique nucléaire, droit stable et simple. Il précise qu’aujourd’hui, l’État ne peut plus fonctionner de cette façon puisqu’il court après les évolutions technologiques… Par contre, l’État peut freiner (avec des normes) et créer des conditions favorables pour changer le système : la région est désormais censée fixer les principes énergétiques de demain.

Les énergies renouvelables dans les programmes : un coup marketing ?

Pour Jean-Marie Chevalier, non. Même si les candidats y croient, dans la continuité des signatures des accords passés (Copenhague etc.), ça ne changera de tout façon pas du jour au lendemain compte tenu du notre bilan énergétique, alimenté à 82% par le gaz – le pétrole – et le charbon (moins en France avec le nucléaire).

Anne Bringault enfin ensuite que la position sur les renouvelables peut paraître consensuelle mais les visions sont très différentes (M. Fillon privilégie par exemple le développement industriel etc.). Pour elle, il faut s’adapter aux ressources des territoires et impliquer les citoyens.

 

commentaires

COMMENTAIRES

  • Tous les candidats qui affiment que nous pouvons réduire la voilure dans le nucléaire sont a coté de la plaque et ne feront qu’appauvrir la France de manière massive.
    Meme faudon le dit bien avec l’affaire de fessenheim. Seule la décisions idéologique et politiques va condurie le bassin d’emplois a l’a ruine ! Scandaleux !

    Quand aux couts du solaire qui seraient 2 fois inférieurs, de qui se moque t-on ????
    En terme d’emplois, les centrales solaires sont ZERO !
    En terme de fabrication => rien en france tout en Chine, aux USA et même plus en Allemagne.
    En terme de rendement, le solaire fait moins de 15% par an sur sa propre puissance installée.
    En terme de matières premières pour la fabrication, il faudrait que Mme sache que le slicium n’est pas gratuit a fabriquer, pas plus que le phosphore et le bore a extraire pour doper les deux faces d’une même cellule solaire (N et P). ne parlons même pas de l’aluminium et de l’EVA (plastique) qui recouvre les cellules solaire. ne parlons pas non plus de l’étain qui cable ces cellules. Et encore moins des personnes qui installent ces centrales solaires PV sur les toits et/ou pire encore sur des forêts défrichées pour l’occasion (Cf forêt des landes près de bordeaux). ne parlons pas non plus de la CSPE qui a augmenté de plus de 550% en 15 ans et est prélevées sur les consommateurs y compris sur les précaires.

    Et tout ce gaspillage pour SEULEMENT 20 ANS soit la durée de vie des cellules solaires PV a bas cout fabriquées majoritairement en Chine …
    Elle vend du solaire Pv cette dame ou quoi ??? Ou sont les copnflits d’intérets ?

    Conclusion, l’antinucléairisme primaire a la mode depuis quelques decennies dans le personnel politique qui en tire profit finiera de ruiner le dernier maillon industriel du pays. Vous pouvez en être sûr.
    Mr FH sera tenu responsable du début de ce démantèlement, tout comme Mr Mitterrand fut responsable de la destruction de la sidérurgie français dans son ensemble. Les socialistes ne savent que dilapider. Et après viennent nous dire « qu’ils ont tout essayé contre le chômage »

    Franchement, tout ça me donne plus que la nausée et et c’est a se demander si notre classe politique a des limites par rapport a la honte qu’ils devraient avoir.

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