électricité

Porte ouverte aux réseaux fermés de distribution d’électricité 

L’ordonnance relative aux réseaux fermés de distribution ouvre de nouvelles perspectives pour les acteurs intéressés par l’autoconsommation, les smart-grids, micro-grids, bâtiments et territoires à énergie positive. Les précisions de Stéphanie Gandet, avocat associé Green law avocat au Barreau de Lyon, spécialiste en droit de l’environnement.

Dans la loi, qu’entend-on précisément par réseau fermé de distribution ?

Un réseau fermé de distribution est qualifié par l’article L 344-1 du code de l’énergie comme « un réseau de distribution qui achemine de l’électricité à l’intérieur d’un site géographiquement limité et qui alimente un ou plusieurs consommateurs non résidentiels exerçant des activités de nature industrielle, commerciale ou de partages de services ».

Il faut également relever que les « utilisateurs » d’un réseau fermé de distribution d’électricité sont les personnes physiques ou morales dont les installations soutirent ou injectent de l’électricité directement sur ce réseau, ce qui implique que des ouvrages de production d’électricité peuvent être raccordés à un réseau fermé.

Cette définition découle de la directive communautaire de 2009 concernant les règles communes pour le marché intérieur de l’électricité, qui prévoit que « Les États membres peuvent prévoir que les autorités de régulation nationales ou d’autres autorités compétentes qualifient de réseau fermé de distribution un réseau qui distribue de l’électricité à l’intérieur d’un site industriel, commercial ou de partage de services géographiquement limité[…]  ». La notion de réseau fermé a été introduite en droit français en décembre 2016.

L’existence d’un tel réseau doit-il remplir des conditions particulières ?

Oui, tout à fait. Le réseau fermé de distribution est une exception à l’existence de réseaux publics dont la gestion est légalement confiée à certaines entités (Enedis pour les réseaux de distribution et RTE pour le transport, en particulier).

Par conséquent, l’article L 344-1 du code de l’énergie a posé plusieurs conditions pour qu’un tel réseau fermé puisse légalement être mis en œuvre.

Tout d’abord, il doit respecter un critère technique alternatif. Ainsi :

  • soit il existe des raisons spécifiques liées à la technique ou à la sécurité d’opérations ou de processus de production des utilisateurs justifiant qu’ils soient intégrés à ce type de réseau,
  • soit il faut que ce réseau distribue de l’électricité essentiellement au propriétaire ou au gestionnaire de réseau ou à des entreprises qui leur sont liées au sens de l’article L. 233-3 du code de commerce (c’est-à-dire à des entreprises qui sont contrôlées par le propriétaire ou le gestionnaire).

Cette dernière condition n’est pas absolue puisqu’il est prévu que, par exception, un réseau fermé peut distribuer, à titre accessoire, de l’électricité à des clients résidentiels s’ils sont employés par le propriétaire du réseau ou associés à lui de façon similaire et résident dans la zone desservie par le réseau.

Ensuite, il doit respecter un critère administratif : il ne peut être créé sans avoir préalablement obtenu une autorisation ministérielle, qui est délivrée au regard des critères techniques évoqués que je viens d’évoquer. Cette autorisation est délivrée pour un certain délai, qui ne peut dépasser 20 ans.

A cette condition se rattache celle du respect par le réseau fermé des mêmes conditions techniques et de sécurité que celles applicables en matière de transport et de distribution d’électricité et prises en application de l’article L. 323-12 du code de l’énergie.

Enfin, le raccordement à un réseau fermé de distribution ne peut faire obstacle à l’exercice par un consommateur des droits relatifs au libre choix de son fournisseur.

Que prévoyait, avant cette ordonnance, le droit français en matière de réseau fermé de distribution d’électricité ?

Le droit français était marqué par deux règles importantes :

  • le monopole de la gestion des réseaux de distribution d’électricité, qui découle de l’article L. 111-52 du code de l’énergie ;
  • le principe de prohibition, dans certaines zones du territoire, de la rétrocession d’énergie.

Ces règles permettent de comprendre dans quelle mesure l’Ordonnance relative aux réseaux fermés de distribution sécurise dorénavant le cadre juridique en la matière.

En effet, la jurisprudence vient de considérer que l’article L 111-52 du code de l’énergie était, avant l’Ordonnance relative aux réseaux fermés, « l’unique disposition de droit national désignant les gestionnaires de réseaux de distribution d’électricité » et que c’est par cette disposition que le législateur français a confié aux seules entreprises qui y sont visées le monopole de la gestion de ces réseaux sur le territoire national (voir l’arrêt de la Cour d’appel de Paris n°2015/15157 du 12 janvier 2017, qui peut encore être contesté).

Avant l’Ordonnance donc, seules étaient susceptibles d’échapper à l’interdiction faite aux autres opérateurs d’exploiter un réseau de distribution d’électricité en France les personnes physiques ou morales exploitant une « ligne directe », qui est un autre type de réseau.

L’intérêt du réseau privé est donc de bénéficier d’un assouplissement du régime juridique et technique lié à la qualité de « fournisseur d’électricité », d’écarter la notion de réseau de distribution d’électricité qui fait l’objet en droit national encore d’un monopole, et d’optimiser les coûts de raccordement.

Qu’est ce qui a poussé le législateur à clarifier la situation ?

Les autorités nationales ont enfin décidé de transposer la directive communautaire de 2009. Même si la création d’un réseau fermé de distribution était une simple faculté, la France a donc attendu près de 6 ans pour introduire dans son droit national une possibilité offerte par le droit européen et qui présente des potentialités importantes en droit des énergies.

En réalité, on a constaté ces dernières années une multiplication des contentieux au sujet de savoir comment procéder au raccordement indirect ou à un réseau s’apparentant à un réseau fermé. La jurisprudence de la Cour d’appel de Paris du 12 janvier 2017 en est une illustration.

C’est ce qui a poussé le législateur à habiliter le gouvernement à prendre par ordonnance, dans un délai de dix-huit mois à compter de la promulgation de la loi, les mesures permettant de créer un cadre juridique relatif aux réseaux fermés de distribution.

 

Le caractère alternatif – et non cumulatif – des conditions est-il un point positif ?

Le caractère alternatif est une transposition de la directive qui ne prévoyait pas le respect cumulé des deux conditions.

Ce caractère alternatif des conditions est assurément un point positif pour le développement des réseaux fermés. Rappelons que pour être autorisé, le réseau fermé doit satisfaire à l’une des conditions suivantes :

  • soit il existe des raisons spécifiques liées à la technique ou à la sécurité d’opérations ou de processus de production des utilisateurs justifiant qu’ils soient intégrés à ce type de réseau,
  • soit il faut que ce réseau distribue de l’électricité essentiellement au propriétaire ou au gestionnaire de réseau ou à des entreprises qui leur sont liées au sens de l’article L. 233-3 du code de commerce (c’est-à-dire à des entreprises qui sont contrôlées par le propriétaire ou le gestionnaire).

A l’analyse, la première condition apparaît comme stricte à mettre en œuvre, même si c’était jusqu’à présent la seule connue au travers de la jurisprudence européenne.

La seconde condition nous semble présenter un potentiel d’applications plus étendu (quartiers résidentiels, zones commerciales, site industriel, grandes surfaces par exemple).

L’ordonnance donne un cadre général. Quelles seront, selon vous, les précisions à donner à court terme sous forme de décret ?

L’Ordonnance du 15 décembre 2016 fixe en effet les grandes lignes, mais de nombreuses précisions sont encore attendues afin de sécuriser les projets de réseaux fermés en cours. En effet, il est prévu qu’un décret en Conseil d’État définira « les modalités d’application du […] chapitre », ce qui laisse entrevoir un décret volumineux pouvant affiner chaque aspect, sans pour autant entrer en contradiction avec les critères déjà définis.

Le ou les décrets sont particulièrement attendus sur les points suivants :

  • les conditions dans lesquelles le réseau pourra distribuer, à titre accessoire, de l’électricité à des clients résidentiels s’ils sont employés par le propriétaire du réseau ou associés à lui de façon similaire et résident dans la zone desservie par le réseau ;
  • le type d’« informations nécessaires à un accès efficace » au réseau que le gestionnaire doit fournir aux utilisateurs du réseau ;
  • les critères éventuels des capacités financières à démontrer ;

 Les conditions techniques et financières sont-elles contraignantes ?

On peut effectivement anticiper sur des critères stricts en matière de capacités techniques et financières. Cette notion de capacités techniques et financières est fréquente en droit de l’énergie (elle conditionne ainsi la qualité de fournisseur d’électricité par exemple) et en droit de l’environnement (notion ancienne en droit des installations classées en particulier). La démonstration de ces capacités est primordiale lors de la demande d’autorisation ministérielle mais également en cas de changement de gestionnaire du réseau fermé. L’un des objectifs poursuivis ici est l’encadrement du réseau fermé du point de vue de la sécurité. À cet égard, le réseau fermé doit respecter les mêmes conditions techniques et de sécurité que celles applicables en matière de transport et de distribution d’électricité. Dès lors, une véritable démonstration sur pièces est requise afin d’anticiper les exigences des services du Ministère sur ce point, afin de justifier, prescription par prescription, la maîtrise technique du réseau fermé.

Les capacités financières dépendront de plusieurs paramètres. Rappelons que légalement, le gestionnaire de réseau fermé de distribution d’électricité négocie librement avec les fournisseurs de son choix les contrats nécessaires à la couverture des pertes et au maintien d’une capacité de réserve sur le réseau qu’il exploite. Cette négociation suivra des procédures concurrentielles, transparentes et non discriminatoires.

Le sort des contrats conclus aura un impact sur la viabilité économique de l’opération et suppose un travail en amont de la demande d’autorisation.

De plus, des tarifs des redevances d’utilisation des réseaux fermés de distribution d’électricité seront approuvés par la Commission de régulation de l’énergie, qui dispose d’un délai de quatre mois à compter de la date de réception d’un dossier complet pour rendre sa décision. Il y a là aussi des marges pour démontrer ses capacités financières à assurer la gestion du réseau fermé. Les premiers retours d’expérience seront donc particulièrement intéressants à étudier pour déterminer où le curseur est placé.

Le gestionnaire de réseau a-t-il un rôle particulier à jouer ?

Le gestionnaire du réseau a un rôle pivot. Légalement, le gestionnaire est chargé des missions suivantes :

– D’assurer la conception et la construction des ouvrages du réseau fermé de distribution d’électricité en s’abstenant de toute discrimination entre les utilisateurs de son réseau ;

– D’exploiter lui-même ce réseau fermé de distribution d’électricité et d’en assurer l’entretien, la maintenance et la sécurité ; Cette formulation (« lui-même ») peut interroger sur la prohibition de sous-traiter certaines prestations en cours d’exploitation.

– De veiller, à tout instant, à l’équilibre des flux d’électricité, à l’efficacité, à la sécurité et à la sûreté du réseau qu’il exploite et d’assurer la couverture des pertes d’électricité et le maintien d’une capacité de réserve sur son réseau ;

– De fournir aux utilisateurs du réseau qu’il exploite les informations nécessaires à un accès efficace, sous réserve des informations commercialement sensibles ;

– De mettre en œuvre des actions d’efficacité énergétique et de favoriser l’insertion des énergies renouvelables sur le réseau qu’il exploite ;

– D’exercer, le cas échéant, les activités de comptage pour les utilisateurs raccordés au réseau qu’il exploite, sauf lorsque les utilisateurs du réseau fermé de distribution interviennent sur les marchés de l’électricité ou participent à des mécanismes qui nécessitent une contractualisation avec les gestionnaires des réseaux publics.

Les responsabilités administratives, civiles et pénales reposeront donc en grande partie sur le gestionnaire de réseau, qui peut (mais ce n’est pas une obligation) être le propriétaire dudit réseau. En cas d’entités différentes entre le propriétaire et le gestionnaire, des liens contractuels vont évidemment devoir se nouer afin d’encadrer les responsabilités respectives et déterminer les conséquences financières subséquentes.

Crédit photo : @EDF – Jean-Lionel Dias

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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