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L’obligation verte, usages et risques

Après la Pologne, la France et les îles Fidji, c’est le Nigeria qui a émis en décembre sa première obligation verte. Cet instrument financier a battu tous les records en 2017 en atteignant un montant total de 155,4 milliards de dollars d’émissions.

Ceci étant, les besoins en matière d’investissements nécessaires pour atténuer les changements climatiques varient selon les publications. À l’échelle de la planète, l’Agence internationale de l’énergie (IEA) estime à 3 500 milliards de dollars le coût annuel nécessaire jusqu’en 2050 (soit 112 000 milliards de dollars) pour limiter la hausse des températures à 2 degrés Celsius[1] .

La Banque Mondiale, quant à elle, considère que le financement nécessaire s’élève à 90 000 milliards de dollars d’ici à 2030. Du côté de l’OCDE, on affiche la somme de 6 900 milliards de dollars annuels pour une durée de quinze ans[2] , soit un total de 103 500 milliards de dollars.

Quoi qu’il en soit, les rapports des uns et des autres produisent des prévisions budgétaires atteignant des montants astronomiques. Dès lors, il s’agit d’assurer la facilitation des flux financiers vers des projets d’infrastructure qui peuvent contribuer à réduire ces changements climatiques.

Quid donc de ce fameux green bond, l’obligation verte ?

Contrairement à ce que pourrait laisser croire cette dénomination attrayante, l’obligation verte ne désigne pas un instrument financier unique, harmonisé et monolithique. Au contraire, elle existe sous différentes formes. Depuis l’apparition des premières obligations vertes délivrées en 2007 par la Banque européenne d’investissement, quatre types différents de ces obligations ont été catégorisées[3] [4]  :

  • Le Green « Use of Proceeds » Bond, l’obligation classique investie dans des projets verts. Ces obligations sont des titres de créance ordinaire, avec possibilité de recours contre l’émetteur. Parmi ce type d’obligations, on retrouve notamment les Obligations Climatiquement Responsables de la Banque européenne d’investissement.
  • Le Green « Use of Proceeds » Revenue Bond, l’obligation garantie par les revenus. Contrairement aux obligations classiques, ces obligations-ci n’offrent pas la possibilité d’un recours contre l’émetteur. Dans le cas présent, l’exposition de l’investisseur se limite aux flux dérivés des revenus de l’émetteur. Ainsi, l’Etat de Hawaii a, par exemple, émis des obligations adossées par les redevances de factures d’électricité.
  • Le Green Project Bond, l’obligation spécifique à un projet. Il s’agit ici de titres obligataires destinés à financer un ou plusieurs projets pouvant comporter des risques auxquels l’investisseur est directement exposé. Dans cette catégorie se trouve, entre autres, le financement du parc solaire de Namegata, projet de la société japonaise Japan Renewable Energy (JRE)[5] .
  • Le Green Securitized Bond, l’obligation verte titrisée. Ces titres obligataires sont adossés à un ou plusieurs projet(s) vert(s) plus spécifiques, y compris notamment des obligations sécurisées, des titres adossés à des actifs, des titres garantis par des créances hypothécaires, et autres instruments. Ce type d’emprunt obligataire comprend, entre autres, les titres adossés à des panneaux solaires photovoltaïques installés sur des toits d’immeubles et/ou à des actifs liés à l’efficacité énergétique[6] . SolarCity a, par exemple, délivré de telles obligations à plusieurs reprises, adossées par les leasings d’installations photovoltaïques résidentielles.

Ainsi, l’obligation verte est un instrument plutôt flexible, permettant une exploitation diversifiée avec des niveaux de risques variables. Cependant, l’utilisation de ce mécanisme soulève également certaines questions.

Une question surgit, celle du greenwashing

Une première question, qui surgit régulièrement dans les débats sur l’obligation verte, est celle du greenwashing. En effet, certaines opérations ont vu des entreprises utiliser le mécanisme du green bond, non pas dans le but de financer des projets durables mais plutôt pour « verdir » leurs mauvaises images. L’obligation verte est-elle dès lors la garantie d’un investissement vert ?

Arnaud Berger, Directeur du Développement durable du groupe Banque Populaire et Caisse d’Epargne (BPCE), explique à ce propos qu’une des limites de l’obligation verte « réside dans la définition du caractère ‘vert’ de l’utilisation des fonds recueillis.[7] » A ce sujet, Tanguy Claquin, directeur de la section Sustainable Banking de Crédit Agricole Corporate & Investment Bank (CACIB), affirme que « bien encadrer le marché est le meilleur moyen de le stimuler. La difficulté est d’arriver à avancer […] tout en préservant à la fois la dynamique positive du marché, […] , et l’intégrité du marché avec des opérations de qualité, et cela en évitant le risque de greenwashing.[8]  »

Une deuxième question concerne le profil rendement-risque de l’obligation verte. Quels sont les niveaux de risque et de rentabilité de l’obligation verte ?

L’étude du professeur Andreas Horsch et de Sylvia Richter de l’Universität Bergakademie Freiberg en Allemagne démontre que, selon les données disponibles à ce jour, l’obligation verte présente un niveau de risque inférieur à la plupart des autres types d’investissement mais ne rapporte pas un rendement proportionnel à ce niveau de risque[9] .

Sur une période d’observation de quatre ans, l’étude conclut « qu’en tenant compte de la position rendement-risque isolée [de l’obligation verte] , celle-ci ne représente pas un investissement efficace. »

Enfin, une dernière question concerne la croissance exponentielle des obligations vertes émises. Y- a-t-il un risque de bulle ? M. Claquin rassure : « il n’y a pas de bulle. […] Certes, la demande est un peu plus élevée que l’offre. Mais le marché ne triple pas tous les ans.[10]  »

Néanmoins, selon les chiffres du Climate Bonds Initiative, le marché a presque doublé chaque année au cours des trois dernières années (voir graphique). Toujours est-il que le marché des obligations vertes ne représente qu’une fraction minime du marché obligataire mondial. Le risque de bulle est donc réduit pour l’instant. Il s’agit toutefois de tenir le marché à l’œil et de rester vigilant face à une éventuelle persévérance du caractère exponentiel de l’utilisation du mécanisme du green bond.

 

En conclusion, bien que cet instrument financier permette une facilitation du financement de projets verts, l’investisseur est tenu de rester sur ses gardes quant à la véritable « vertitude » des projets proposés. Il se doit également d’être conscient du faible rendement de l’obligation verte. Enfin, le marché faisant preuve d’une croissance exponentielle, la prudence est de mise.

 

Source : Climate Bonds Initiative & KPMG (Gearing up for Green Bonds)

[1] OCDE, Agence Internationale de l’Energie & IRENA (2017). Perspectives for the Energy Transistion, p. 8 https://www.iea.org/publications/insights/insightpublications/PerspectivesfortheEnergyTransition.pdf

[2] OCDE (2017). Investing in Climate, Investing in Growth, A Synthesis, p. 14 http://www.oecd.org/environment/cc/g20-climate/synthesis-investing-in-climate-investing-in-growth.pdf

[3] International Capital Market Association (2017), Principes applicables aux Obligations Vertes, p. 9

[4] Climate Bonds Initiative, https://www.climatebonds.net/market/explaining-green-bonds, consulté le 1er février 2018

[5] Goldman Sachs, Green Project Bonds: Connecting Investors and Businesses together through Green Investments, http://www.goldmansachs.com/citizenship/environmental-stewardship/market-opportunities/clean-energy/toru-inoue-nikkei/, consulté le 1er février 2018

[6] International Capital Market Association (2017), Principes applicables aux Obligations Vertes, p. 9

[7] Berger, A. (2017), L’essor des green bonds: potentialités et limites, Responsabilité et Environnement, Octobre 2017, p. 69

[8] Cuny, D. (2017), Green bonds: Il faut encadrer le marché pour éviter le green washing, La Tribune, https://www.latribune.fr/entreprises-finance/banques-finance/green-bonds-il-faut-encadrer-le-marche-pour-eviter-le-green-washing-cacib-761315.html, consulté le 1er février 2018

[9] Richter, S., & Horsch, A. (2017). Climate Change Driving Financial Innovation: The Case of Green Bonds, The Journal of Structured Finance, 2017.23.01, p 85

[10] Cuny, D., Ibid.

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