pétrole

« La France doit progresser dans l’évaluation des ressources potentielles de son sous-sol »

Vous êtes le président du Centre Hydrocarbures Non Conventionnels… L’objectif n’est-t-il pas, qu’un jour, vous preniez la tête du Centre Hydrocarbures Conventionnels ?

La distinction entre conventionnel et non-conventionnel ne tient pas à la composition des hydrocarbures en elle-même ; il s’agit dans les deux cas du même type d’hydrocarbures, pétrole ou gaz naturel. Ce sont les techniques employées pour leur extraction du sous-sol qui diffèrent. Les techniques dites « non conventionnelles » permettent progressivement d’accéder à des ressources jusqu’alors considérées inexploitables. Ce qui fait que la notion de « conventionnel / non-conventionnel » évolue avec le temps et la diffusion des techniques. Par exemple, avant les années 2000, le pétrole en offshore-profond était considéré comme « non-conventionnel » au-delà de la profondeur de 500 mètres, car difficilement accessible avec les moyens de l’époque, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. Parmi les hydrocarbures non conventionnels, les pétrole et gaz de schiste ont connu un développement extrêmement rapide ces dix dernières années suite à la combinaison de deux techniques : celle du forage horizontal et celle de la fracturation hydraulique. Leur part grandissante dans la production mondiale et la diffusion des techniques pourraient effectivement amener à leur faire changer de statut dans les prochaines années.

En quoi, selon vous, les gaz et pétrole de schiste seraient un élément clé de l’approvisionnement du monde en énergie ?

Selon les prévisions de l’Agence internationale de l’énergie, la demande mondiale d’énergie va augmenter de 30%, et de 50 % en gaz naturel d’ici à 2040. Autrement dit, alors que la part des énergies renouvelables va se développer sensiblement, les hydrocarbures continueront d’assurer plus de la moitié des besoins énergétiques mondiaux dans les prochaines décennies. Les pétrole et gaz de schiste devraient être des éléments essentiels pour satisfaire cette croissance. Quasi inexistante il y a dix ans, la production américaine de pétrole de schiste représente à l’heure actuelle plus de 5% de la production mondiale de pétrole. Jusqu’à récemment premier importateur mondial de pétrole, les États-Unis assurent désormais 60% de leur consommation et pourraient devenir autosuffisants dans les prochaines années. Certes, l’ampleur des réserves d’hydrocarbures au Moyen-Orient continuera de conférer à l’OPEP et à ses membres une place essentielle sur le marché mondial, mais la production américaine bouleverse les équilibres internationaux et redéfinit les parts de marché entre pays producteurs. La production américaine de gaz de schiste représente quant à elle près de 13% de la production mondiale de gaz naturel. Les exportations de gaz naturel liquéfié (GNL) des États-Unis devraient se développer dans les prochaines décennies et participer à la croissance du marché mondial du gaz. En 2040, le gaz de schiste pourrait ainsi représenter près de 30% de la consommation mondiale de gaz naturel. Au-delà de l’Amérique du Nord, plusieurs pays s’engagent dans l’exploration de leurs ressources non conventionnelles et certains commencent à en produire, comme l’Argentine ou la Chine, où plus de 1000 puits ont déjà été forés.

Faut-il suivre l’exemple des États-Unis, qui sont devenus un acteur de premier plan sur le marché mondial du pétrole et du gaz ?

Les États-Unis sont à l’origine de la « révolution » des hydrocarbures non conventionnels, qui, depuis quelques années, se transforme sous nos yeux en phénomène global et qui bouleverse les équilibres des marchés mondiaux du pétrole et du gaz. Il a fallu des décennies à l’industrie pétrolière et gazière américaine pour développer les techniques d’exploitation des hydrocarbures non conventionnels et pour réduire les coûts techniques qui permettent aujourd’hui de produire de manière compétitive dans les bassins possédant les ressources les plus nombreuses, comme celui du Permien ou du Marcellus. Il s’agit d’un développement à la fois spectaculaire et très spécifique. Chaque pays a des besoins énergétiques et des caractéristiques qui lui sont propres. Il ne s’agit donc pas pour un gouvernement de suivre l’exemple des États-Unis, mais bien de faire une appréciation au cas par cas, en fonction de ses ressources et de ses besoins. La France, par exemple, est dépendante à 100% de ses importations pour satisfaire ses besoins en pétrole et en gaz. L’une des questions qui se pose est de savoir si notre pays peut alléger cette contrainte en valorisant les ressources qu’elle détient sur son territoire ? Pour être en mesure de le faire en toute connaissance de cause, le France a besoin de connaître le plus précisément possible l’état de toutes ses ressources. Elle doit notamment progresser dans l’évaluation des ressources potentielles de son sous-sol en matière d’hydrocarbures, y compris d’hydrocarbures de schiste.

Espérez-vous que le débat des primaires de la gauche traite du sujet des politiques énergétiques en France où ces questions ont été inexistantes pendant les primaires de la droite ?

Le débat politique français est aujourd’hui largement dominé par les questions sociétales. Or la définition de la politique énergétique est un élément clé de toute économie développée. De grands défis sont devant nous pour concilier de façon durable croissance économique, sécurité d’approvisionnement en énergie et enjeux climatiques. La politique énergétique s’inscrit dans le temps long et la durabilité de la décision politique dépend notamment de la capacité à adopter une approche rationnelle et réaliste des mesures à prendre, étayée par des études factuelles, scientifiques et techniques.

Le prix des matières premières suit le baril de pétrole et le prix des matières premières vierges est aujourd’hui plus élevé que le prix des matières réutilisées ou recyclées. La mise en place d’une taxe carbone apparaît-elle, selon vous, comme un dispositif clé pour financer les subventions aux renouvelables nécessaires à leur développement ?

La taxe carbone est certainement un bon moyen pour donner un signal-prix entre les énergies. Il existe aujourd’hui une mosaïque d’instruments et de prix, qui diffèrent sensiblement selon les pays, les régions ou les secteurs. La difficulté réside dans l’application de ces instruments à l’échelle mondiale pour atteindre les objectifs climatiques, sans que cela ne fausse la concurrence et ne pénalise la compétitivité d’un pays.

Le marché du pétrole connaît un relatif équilibre entre l’offre et la demande, peu sensible aux événements géopolitiques. Cette situation va-t-elle rester pérenne selon vous ?

La baisse du prix du pétrole ces derniers mois est en grande partie liée au dynamisme américain et aux nouvelles productions de pétrole de schiste. Les récentes déclarations de l’OPEP marquent la volonté d’une certaine maîtrise de l’offre et, dans le même temps, la demande mondiale continue à croître. Le redressement actuel des prix du pétrole est ainsi lié à l’accord de l’OPEP de fin novembre visant à limiter sa production globale de pétrole brut. A moyen terme, au-delà de 2020, les effets de la période de sous-investissement entre 2015 et 2017 pourraient conduire à une réduction de l’offre et contribuer à un redressement du prix du baril.

 

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