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L’Europe de l’énergie, un fiasco intégral ! (Tribune)

Parmi les grands fiascos qui ont marqué la politique européenne avec un savant mélange d’idéologie et de bureaucratie, on peut mettre l’énergie en bonne place.

Et tandis que les grandes sociétés électriques se démènent avec leurs financiers pour cantonner leurs productions structurellement déficitaires, les chevaux-légers des renouvelables caracolent en tête engrangeant des bénéfices confortables sans risques avec l’argent des consommateurs.

Dans le secteur électrique où régnait l’ordre des grandes reconstructions nationales, la libéralisation, « l’unbundling », le « découpage », couplée avec le poids des anti-nucléaires et des idéologues des « nouvelles énergies » ont mené à un désordre incroyable dont il parait désormais indispensable et difficile de sortir.

Puisque les sujets qui pourraient rebâtir une Europe Nouvelle sont sur la table, il serait absurde d’ignorer ce chantier car il est aussi structurant que beaucoup d’autres dont on nous rabat les oreilles.

Chacun sait dans sa vie de tous les jours qu’il est difficile d’atteindre des objectifs contradictoires, et c’est cependant ce que, collectivement, les Etats ont essayé de faire depuis des dizaines d’années.

Des monopoles à la concurrence

Quand on parle de politique énergétique européenne on s’occupe essentiellement de l’électricité et du gaz après s’être préoccupés dans les années 1950 du charbon.

« L’acte unique » de 1987 conduit au marché de ces deux produits et donc à la « libéralisation » la séparation des activités de production, de transport et de distribution.

On est donc passé des monopoles ou oligopoles à une multiplication d’acteurs souhaitée pour « baisser les prix « pour les consommateurs « rackettés « par les grands producteurs !

Le résultat a été inverse, les prix ont augmenté et ce n’est qu’un début. Car si le monopole ne conduit pas, en général, à l’optimum des coûts, le marché, s’il est artificiellement construit, peut conduire à pire. Nous y sommes, ce qui n’empêche pas la Commission européenne à célébrer les bienfaits du « marché intérieur ».

D’une part, chaque pays a ses propres motivations économiques ou politiques en ce qui concerne ses sources d’énergie. Le gaz est généralement admis comme acceptable par tous, mais le nucléaire sépare l’Europe, tandis que les énergies renouvelables, hydraulique, éolien et solaire, dépendent directement de considérations géographiques, chaque pays ayant un potentiel différent.

Les bureaucrates ont fini par devoir admettre que l’unicité n’était pas de mise et au Traité de Lisbonne en 2007 il est écrit que les Etats choisissent leurs sources !

Quand la machine se dérègle à cause de l’Allemagne

La machine va alors complètement se dérégler, l’Allemagne de Schroëder (coalition avec les Verts) a pris une première décision défavorable au nucléaire en 2000, mais l’étau se desserre progressivement, jusqu’à l’accident de Fukushima qui conduit Merkel à décider l’arrêt définitif de toutes les centrales allemandes en 2020.

Que l’Autriche en 1978, la Suède en 1980 et l’Italie en 1987 aient décidé de même n’a pas déstabilisé l’Europe, mais que La France nucléaire à 75% , en pleine politique d’interconnexion avec son voisin allemand se retrouve avec un pays qui tourne le dos complètement à cette source et c’est tout le continent qui perd la boussole. Jusqu’alors on pouvait concevoir un fonctionnement pragmatique sans illusions mais rationnel.

Après cette décision unilatérale, sans étude des conséquences sur la politique énergétique du continent, on est rentré dans l’aventure.

Certes les « verts allemands «  étaient bien conscients que cette décision  arrachée à la chancelière allaient conduire à une augmentation des productions charbonnières du pays pendant une bonne dizaine d’années et donc ne conduirait pas à une diminution des pollutions ni de l’émission de CO2.

Mais , en contrepartie, cette décision allait orienter l’Europe vers la constitution de parcs éoliens et solaires qui étaient leurs objectifs depuis des années : l’énergie » verte et propre » célébrée de part et d’autre du Rhin par les écologistes ,( en France avec le « Grenelle de l’Environnement de 2009 »).

Sauver la planète, vraiment ?

C’était, bien sûr, sous-estimer dans le feu de l’action pour sauver la planète, deux éléments fondamentaux. Le premier c’est que les renouvelables « nouvelles », solaire et éolienne, sont intermittentes et ont donc besoin d’être « secondées » par des productions disponibles à tout moment.

Le deuxième c’est que la priorité donnée sur le réseau à ces renouvelables conduit à la chute de rendement économique des centrales classiques et conduisent à déstabiliser tout le secteur de production électrique.

C’est-à-dire que lorsque l’on parle d’intermittence compensée par la flexibilité et la modulation du parc on se fout de nous, car le parc existant a ses propres contraintes techniques et économiques, on ne peut pas faire n’importe quoi !

En poursuivant plusieurs objectifs sans effectuer la simulation de savoir s’ils étaient ou non compatibles, on a donc mis le bazar dans un système vital pour notre économie et notre société, la disponibilité en courant électrique !

Les centrales à gaz ont été arrêtées et mises sous cocon (non rentables), le prix du charbon a conduit à solliciter encore plus outre Rhin leurs centrales, les réseaux se retrouvaient gavés à certains moments d’électricité éolienne et les pays producteurs le distribuaient à prix négatifs, le marché de gros explosait puis disparaissait dans les limbes, on avait joué aux apprentis sorciers et personne n’arrivait plus à décrire l’avenir prévisible.

Le consommateur, lui, est clairement floué, il paie plus cher un produit moins sûrement disponible ! C’est donc un échec.

En 2015 ceci n’a pas empêché la Commission Européenne à bomber le torse avec ses cinq objectifs, sécurité d’approvisionnement, marché intérieur, meilleure efficacité énergétique, réduction des émissions carbonées, et recherche et innovation, mais nous n’avons pas bougé.

Si on veut le climat, il faut le nucléaire

Le fait que l’Allemagne ait abandonné le nucléaire sans en mesurer les conséquences pour ses voisins reste une épine douloureuse et pérenne. La solution de restreindre l’aventure nucléaire de la France par mimétisme ne passe pas dans une épure de compétitivité mondiale échevelée, nos économies ne peuvent pas nous le permettre.

La meilleure solution pour sécuriser l’approvisionnement électrique et pour rester à un niveau de prix acceptable est de prolonger la durée de vie du parc nucléaire jusqu’à 50 ou 60 ans comme aux USA.

Poursuivre en Allemagne la construction de nouveaux parcs renouvelables toujours aussi intermittents nous oblige au contraire, en France, à maintenir nos centrales en fonctionnement pour assurer la disponibilité mais si l’on doit accepter, même à couts négatifs profitables, trop d’électricité éolienne à certains moments , notre production va connaitre de plus en plus de complexités, la politique de connexion « automatique «  et très européenne avec l’Allemagne devra être revue à la baisse.

On le voit, si l’Allemagne et la France ne convergent pas de nouveau, c’est la compétitivité entière du continent qui va souffrir, si nous voulons concilier  de manière idéologique le marché, le nucléaire et le climat, nous ne pouvons pas nous en sortir.

Si on veut le climat, il faut le nucléaire, si on ne veut plus le nucléaire et le remplacer par des éoliennes ou du solaire il faut de nouveau assurer une rentabilité des centrales à gaz et en construire vite pour pouvoir « encaisser » des retards éventuels.

Si on veut le marché, c’est-à-dire un meilleur prix pour le contribuable et l’économie, il faut réduire les renouvelables, et si on veut améliorer notre sécurité d’approvisionnement il faut revenir au gaz et au pétrole non conventionnel du continent. Si on rajoute que chaque pays (27) a ses propres priorités, on s’engage dans un processus complexe.

La France doit choisir sa priorité et celle-ci doit été compatible avec celle choisie par l’Allemagne.

Le bazar actuel c’est la décision unilatérale de l’Allemagne en 2011, convenons- en ensemble et voyons comment on peut s’en sortir.

commentaires

COMMENTAIRES

  • Votre article me parait assez pessimiste. Je pense que la construction actuelle avec une Europe de plus en plus forte et attentionnée doit permettre de surmonter toutes les difficultés économiques.qui sont bien réelles. Pensez que nous sommes en train de construire un nouveau monde et ce n’est pas un rêve, D’ailleurs nous n’avons pas le choix, vous savez bien.
    J’apprécie beaucoup votre site .Cordialement.

    Répondre
  • Je reviens sur votre article et particulièrement sur le point de désaccord entre les politiques énergétiques de la France et de l’Allemagne. Effectivement je pense aussi comme beaucoup d’autres personnes averties que le solaire et l’éolien sont limités en leur énergie qui est instable et ceci malgré l’optimisation par smartrgriid. La biomasse avec le biométhane est bien plus intéressante et pourrait prendre des proportions permettant de réduire notablement le nucléaire. GE construit des turbines à gaz dont la puissance équivaut à la moitié d’un réacteur nucléaire. La France possède les ressources dont les algues vertes et les microalgues pour fabriquer beaucoup de gaz et même sans doute du gaz de synthèse (Power to gaz). En attendant, du gaz naturel de Gazprom peut assurer une transition d’ailleurs favorable à l’agriculture. Notons que le gaz est stockable.

    Répondre
    • Je vous recommande de mettre au cul des vaches bretonnes la fameuse turbine à gaz de GE de 800 MW, je crains que vous mélangiez les unités, les algues vertes pourraient fournir quelques centaines de KW ; il n’y a qu’un rapport 1000 . Produire beaucoup de gaz…., retournez au lycée et suivez Lavoisier ( 1756) : Rien ne se crée, tout se transforme ; mais ne mélangez pas le gramme avec la tonne .

      Répondre
    • Il est vrai que dans biomasse et biogaz, il y a bio … Il n’empêche, la combustion d’un gaz tout bio soit-il emet du CO2 me semble-t-il, donc pas bon pour le climat. Quoi que l’on fasse, en attendant de trouver une alternative de production d’électricité souple et fiable, le nucléaire est indispensasble !!!

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  • Si un système permet de relier les taches chronophage et mécaniques qui jusquà maintenant était dévolu à lêtre humain et libérer du temps pour les recruteurs, pourquoi pas ! Mais attention à ce que le Big data ne filtre pas trop lêtre humain pour en dégager un profil déshumanisé qui les rattacheraient à des tâches définies ! Que ferait ton des « divergents » ? ll y aura un retour de flamme, cest inéluctable Ok, on est pas dans un film mais quand même ! Comme dit dans larticle lié, « si l’on est évalué par un robot, un logiciel, on sort du jugement de valeur, on garde à l’esprit qu’il peut être déréglé alors que l’on prend plus mal un avis négatif ou erroné venant d’une personne. Pour Vincent Rostaing, « il n’y a pas plus inhumain que l’évaluation d’un humain par un autre humain. Et puis, une fois que le logiciel a opéré, l’humain reprend la main pour discuter les résultats, pour échanger autour d’eux.  » Le sujet est bien trop important pour être laissé à la main de cabinets de conseil, dindustriels ou de commerciaux. On touche à léthique et comme tout ce qui touche à léthique, il est important de légiférer.

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  • Parmi les conséquences de la poursuite d’une variété d’objectifs contradictoires, il faut ajouter l’ostracisation de la consommation de toute énergie: si les vrais objectifs sont la protection du climat dans des conditions économiques rationnelles, il faudrait parler réduction de l' »empreinte » comme l’avaient recommandé et la Cour des Comptes et le WWF. Comptabiliser correctement les questions d’importation et d’exportation mais aussi de compétitivité va vite s’imposer. Et pour l’immédiat, ça vaudrait la peine pour la France de relire le discours de la Sorbonne : la surcapacité électrique actuelle peut être un atout si nous savons exporter correctement de l’électricité « décarbonée » et promouvoir l’électricité comme vecteur énergétique pour les trains, trams, métros et mobilités de tous genre, pour la production industrielle, pour le fonctionnement de pompes à chaleur,…

    Répondre
  • Plus on prolongera le nucléaire, plus on ralentira la transition énergétique !
    En Belgique, « Une prolongation du recours à l’énergie nucléaire enrichirait Engie Electrabel annuellement de 850 millions d’euros selon un rapport du Bureau du Plan soumis à Marie Christine Marghem (MR),[ministre de l’énergie] Si les centrales nucléaires peuvent continuer à être exploitées, le fournisseur d’énergie peut produire du courant sous le prix du marché.
    Les producteurs qui investissent dans les panneaux solaires, les éoliennes ou les centrales au gaz sont donc dupes. La prolongation du nucléaire leur ferait perdre 321 millions d’euros par an. Le Bureau du Plan met en garde que de telles pertes « peuvent retarder la transition énergétique car les investissements verts peuvent en souffrir, voire disparaître ». »
    (http://www.levif.be/actualite/belgique/la-prolongation-des-centrales-nucleaires-rapporterait-a-electrabel/article-normal-805907.html)
    Serait-ce si différent pour la France ?

    Répondre
    • Quid de la Belgique 5 ans après !!! Sans Gaz Fossile Russe, la transition ne passe pas… Et sans Gaz Russe, il faut du Nucléaire…

      Répondre
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